Lui, il n’a jamais connu la solitude. Du plus loin qu’il essaie de remonter dans ses souvenirs… Non… Il n’a jamais été seul… Jamais. Par des connections invisibles, il est relié aux siens. Reliance… En ce temps-là, le temps de ma première perception de cette connexion avec eux, je ne savais pas qu’il pouvait exister des passerelles entre eux et moi. Je n’ai plus cessé depuis de me relier. Ils furent et demeurent mes balises, mes repères, solides, puissants…
C’est près d’eux que naissent mes envolées lyriques. Parfois, quand le temps vire à l’orage, ils m’offrent un abri salvateur. Du plus loin qu’il m’en souvienne, partout dans le monde, au cours de mes voyages, l’un d’entre eux m’a accueillie, tranquillisée.
Je me souviens particulièrement de celui-là… J’avais un rendez-vous important. À Jérusalem. Avec André Chouraqui. Je m’étais égarée en cherchant sa maison. À quelques pas de chez lui, une cour, de la terre battue, et au milieu, comme un soleil, cet arbre-là, enfin nommé, éclatant de fleurs jaunes, un Parkinsonia aculeata , plus communément appelé Épine de Jérusalem. Il devint alors le prélude à mon échange avec André Chouraqui., une leçon de botanique, où il fut question d’envahissement et de résistance. . Épine de Jérusalem… Tout est symbole…
Je me souviens également d’un autre arbre. Symbolique. C’était à Cracovie l’oubliée… Pour travailler sur un de mes romans, j’étais revenue aux sources de l’existence de ma famille maternelle, chercher des traces, que je n’ai évidemment pas trouvées. Mais je l’ai découvert, lui, dans le cimetière abandonné de Cracovie, il avait grandi au milieu des tombes brisées. Je l’ai enlacé… et j’ai cru ressentir sous mes mains les vibrations de l’exil et de l’absence.
Genèse. Le premier d’entre tous, celui qui me relia aux autres et au monde, c’était un arbre dans un enclos, à Sainte-Lucie, dans le Causse Méjean.. Un arbre sous lequel il m’attendait, le jour de mes vingt ans. Un loup blanc, qui m’ouvrit le monde et me rendit la parole. Mais ceci est une autre histoire…
Sarah Oling, 10 février 2021
Fille de déporté rescapé de la Shoah, elle a transcendé son expérience personnelle en un engagement indéfectible autour d’une pédagogie active et innovante de la Mémoire (conférences interactives, dialogues libres avec des étudiants, lycéens et collégiens).
Auteure, elle dit de l’écriture qu’elle lui est aussi indispensable que l’air qu’elle respire. « Pour un peuple d’oiseaux », une fiction au cœur du projet « Consciences en convergences », est son cinquième ouvrage, réédité aux Editions Absolues en mars 2020.
Journaliste radio et presse écrite , elle a récemment co-réalisé et co-animé une série d’émissions « Cultures Vivantes » sur la web radio Bubble Art.
Pendant quelques années, elle a été chargée de mission au Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation de Lyon, pour recueillir le témoignage de déportés, de résistants et d’anciens enfants cachés. Par son intermédiaire, les mots, ceux des autres, devenaient ainsi passage et passerelle mémorielle vers le grand public.
Un temps comédienne de théâtre, elle dit avoir eu l’immense privilège d’être sur scène avec Isabelle Sadoyan dans Savanah Bay de Marguerite Duras, qui, par la puissance de son travail, lui insuffla un immense amour de la scène et un respect infini pour le théâtre.