Qui êtes-vous, où êtes-vous né, où habitez-vous ?
Je m’appelle Laurent Bénégui, je suis né à Paris avant l’ère des micro-ordinateurs, des smartphones et d’Internet, c’est pour dire… J’ai toujours habité Paris, mais depuis quelques années je m’éloigne, aujourd’hui je partage mon temps entre la Seine Saint-Denis et le Pays basque. Terres de contrastes.
Vivez-vous du métier d’écrivain ou, sinon, quel métier exercez-vous ?
Après mon Bac, j’ai entrepris des études de médecine, que j’ai menées à leur terme – à l’époque, sept ans. J’ai exercé deux semaines en tant que remplaçant d’un médecin généraliste, puis j’ai tout abandonné, pour me consacrer à l’écriture. J’étais boulimique, j’ai tâté un peu de tout, le théâtre, le cinéma, le roman, et j’ai eu la chance d’en vivre rapidement (mes besoins étant particulièrement modestes). En route, ces chemins m’ont conduit à la réalisation et à la production de films de long-métrage, et depuis près de quarante ans, je vis de ces écritures, différentes et complémentaires. Mais l’écriture romanesque n’étant pas, comme l’est celle du cinéma, inféodée à la nécessité de lever des fonds colossaux pour voir l’œuvre se réaliser, elle offre un vrai territoire de liberté à son auteur. C’est là, que je préfère vivre.
Comment est née votre passion pour la littérature et surtout pour l’écriture ?
Par la lecture. Les romans de Gabriel Garcia Marquez, Boris Vian, Michel Tournier, Stephan Zweig m’ont révélé un monde à côté duquel j’étais passé pendant mes études scientifiques. Cela se doublait d’une frustration non étiquetée, qui était en fait une carence de créativité. J’ai pensé résoudre la deuxième par la première. Puis j’ai découvert les littératures, russes et américaines et j’ai été aspiré.
Quel est l’auteur/le livre qui vous ont marqué le plus dans la vie ?
Je pense qu’il y autant de livres marquants que de périodes dans une vie, mais un revient tout le temps, en ce qui me concerne : « Moby Dick » d’Herman Melville. Roman d’aventure autant que métaphysique, d’un style éblouissant, aux innombrables interprétations. Il s’agit d’un livre majeur, parfois masqué par la très réductrice adaptation cinématographique qu’en a fait John Huston, sur un scénario de Ray Bradbury (pourtant, autre grand écrivain américain)
Quel genre littéraire pratiquez-vous (roman, poésie, essai) ? Passez-vous facilement d’un genre littéraire à un autre ?
J’écris du roman, j’en ai publié 14, avec des veines différentes. Tantôt légers et humoristiques, critiques de la modernité, dont le personnage central, un certain Laurent, me ressemble étrangement, comme dans « SMS » ou « Mon pire ennemi est sous mon chapeau » ; tantôt d’avantage centrés sur l’émotion et s’accompagnant d’un travail sur la mémoire et la transmission, comme « Au Petit Marguery » et « Retour à Cuba » ; je ne passe pas facilement d’un genre à l’autre, ce sont les sujets qui s’imposent d’eux-mêmes et qui commandent leur propre style. Je suis cependant un farouche défenseur de l’idée que l’humour et la littérature peuvent faire bon ménage.
Comment écrivez-vous – d’un trait, avec des reprises, à la première personne, à la troisième ?
Écrire, c’est d’abord réécrire. Alors je reprends sans cesse, je reviens, je corrige, je jette et je recommence. Je trouve le roman dans ses propres gravats. Certains s’écrivent à la première personne – en général ceux-ci suivent plus volontiers la veine de l’auto dérision, les autres à la troisième personne, ce qui m’aide à obtenir le juste niveau de distanciation.
D’où puisez-vous les sujets de vos livres, et combien de temps est nécessaire pour qu’il prenne vie comme œuvre de fiction ?
J’écris avec mes peurs ou avec mes doutes, je transforme ce que je n’aimerais pas qui m’arrive ou j’extrapole ce qui m’est arrivé. Il y a presque toujours une origine autobiographique plus ou moins camouflée, plus ou moins revendiquée, selon les livres. Mais dans chaque cas il me faut des années pour que la fiction trace son sillon et que je trouve le recul nécessaire à la mise en récit.
Choisissez-vous d’abord le titre de l’ouvrage avant le développement narratif ? Quel rôle joue pour vous le titre de votre œuvre ?
J’ai rarement le titre au départ, pour la raison que je suis incapable de définir avec précision ce que sera le contenu du roman. Je pars d’une impression, une intuition, mais le livre reste à écrire, donc je ne peux encore lui coller aucune étiquette. Le titre ne joue pas un rôle très important dans le processus d’élaboration, même si je passe beaucoup de temps à le chercher, le moment venu.
Quel rapport entretenez-vous avec vos personnages et comment les inventez-vous ?
Les personnages sont de mon point de vue la matière première du récit, je les chouchoute donc particulièrement. Ils sont un mélange de personnes réelles qui les ont inspirés, entières et proches pour certains, fragments physiques et psychologiques pour d’autres, mêlés, pour les besoins de la fiction, à une part inventée, imaginée. Des mutants, en quelques sorte. Des variants.
Parlez-nous de votre dernier ouvrage et de vos projets.
Mon dernier roman « Retour à Cuba » est paru en janvier dernier aux éditions Julliard. Son origine est ma prise de conscience qu’une partie de ma famille proche, mes grands-parents, mon père, mes oncles et tantes avaient eu une vie infiniment romanesque, ayant migré depuis le Sud-Ouest de la France vers Cuba à la fin du XIXème. Là-bas, ils ont vécu la fin de l’affranchissement des esclaves, la guerre entre l’Espagne « colonisatrice » et les Etats-Unis « libérateurs », suivie de la tutelle des Etats-Unis sur Cuba avec l’avènement de la corruption et de la mafia, la révolution conduite par Fidel Castro, la mainmise du communisme sur le mouvement, la crise des missiles, la chute du mur de Berlin, l’effondrement du bloc communiste et la misère abattue sur l’ile… J’ai décidé de les transformer en personnages de roman et de raconter par leur entremise cette saga politique et historique qui se déroule sur plus d’un siècle. Mon prochain roman est encore en construction mais il fera encore la part belle au voyage et à l’histoire, je vous en reparlerai avec plaisir dès qu’il aura pris forme.