Portrait en Lettres Capitales : Carole Zalberg

 

 

Qui êtes-vous, où êtes-vous née, où habitez-vous ?

Je suis née et vis à Paris, dans le vingtième arrondissement. Depuis quelques années, je partage mon temps entre Corse et continent. L’idée est d’inverser la répartition, la Corse devenant peu à peu le lieu principal.

Vivez-vous du métier d’écrivaine ou, sinon, quel métier exercez-vous ?

Je vis de ce métier depuis environ dix ans. J’ai été traductrice et brièvement journaliste mais ce que je suis, fondamentalement, c’est autrice/lectrice et mes activités professionnelles sont toutes en lien avec ce métier.

Comment est née votre passion pour la littérature et surtout pour l’écriture ?

Les livres ont toujours été présents dans mon environnement familial. La bibliothèque était en accès libre. Le soir, mon père, assis entre nos lits jumeaux, nous lisait des histoires d’une très belle voix à ma sœur et à moi. Mon premier acte indépendant a été de m’inscrire à la bibliothèque de mon quartier. Je ne sais plus comment s’est produit le passage de l’écoute puis de la lecture à l’écriture. Très naturellement et très tôt, en tout cas, vers neuf ou dix ans. Je dessinais beaucoup et j’ai vite éprouvé le besoin de mêler des mots aux images. Puis je suis allée vers une poésie très narrative et de fil en aiguille, un premier roman, bref, est né.

Quel est l’auteur/le livre qui vous ont marqué le plus dans la vie ?

Il y en a évidemment plusieurs mais je citerai Carson McCullers parce que je l’ai lue à l’adolescence, cet âge meuble. J’ai eu, en découvrant notamment son chef d’œuvre, Frankie Addams, le  sentiment exaltant de voir exprimer avec puissance et beauté des intuitions, des émotions plus ou moins ambiguës, plus ou moins troubles dont j’étais moi aussi traversée et qui m’avaient jusque-là semblées indicibles. La littérature avait donc ce pouvoir et, contrairement à des domaines savants qui me paraissaient étrangers, inaccessibles, celui-là ne m’effrayait pas.

Quel genre littéraire pratiquez-vous (roman, poésie, essai) ? Passez-vous facilement d’un genre littéraire à un autre ?

J’aime beaucoup me balader d’un genre à l’autre, oui. En fait, j’ai toujours l’impression que l’élan, la démarche et la source sont les mêmes. Je puise au même endroit et suivant le moment, le désir, parfois la commande ou la proposition, le registre se révèle. La constante, c’est ma foi en la forme, en la musicalité pour porter le fond.

Comment écrivez-vous – d’un trait, avec des reprises, à la première personne, à la troisième ?

C’est très variable quant à la personne et à la durée. Mais chaque cession d’écriture se ressemble, qu’elle dure un quart d’heure ou cinq heures : je travaille farouchement la phrase, la triture jusqu’à épuisement. Je relis le lendemain et fais d’ultimes modifications, ce qui relance la machine pour la suite.

D’où puisez-vous les sujets de vos livres, et combien de temps est nécessaire pour qu’il prenne vie comme œuvre de fiction ?

Là encore, il n’y a pas de règle. Tout peut nourrir mon inspiration, parfois sans que j’en prenne conscience avant des années. Il m’arrive d’engranger très longtemps des événements, une phrase, une idée, jusqu’à ce qu’autre chose vienne fertiliser cette « graine ». Ensuite, il se passe parfois encore des mois de « mijotage » avant que le début s’impose. Mais quand j’ai le début, je sais que j’ai le livre. Du coup, il ne m’est jamais arrivé d’abandonner un projet en cours de route.

Choisissez-vous d’abord le titre de l’ouvrage avant le développement narratif ? Quel rôle joue pour vous le titre de votre œuvre ?

Le titre s’impose en général assez vite mais pas avant le développement. Il devient ainsi intimement lié au texte puisqu’il nait de lui. Il m’est donc très difficile d’en changer et, heureusement, j’arrive à l’imposer la plupart du temps. Les rares fois où on m’a convaincue de le modifier, j’ai pu en proposer un autre et non voir mon livre baptisé à ma place.

Quel rapport entretenez-vous avec vos personnages et comment les inventez-vous ?

Comme tous les écrivains, je constate au fur et à mesure de l’écriture que mes personnages gagnent peu à peu en épaisseur et en vitalité. Soit ils sont inspirés de personnes réelles et s’en affranchissent progressivement. Soit ils sont pure invention, construction à partir de fragments, et à un moment donné, ils s’animent, semblent savoir où ils vont. C’est une sensation formidable qui m’inspire gratitude et joie.

Parlez-nous de votre dernier ouvrage et de vos projets.

Aucune description disponible.Tes ombres sur les talons, mon dernier roman, suit la trajectoire de Melissa, une jeune fille ordinaire et appliquée qui ne trouve pas sa place, dérape et erre jusqu’à ce qu’enfin, grâce aux rencontres, notamment, une voie se dessine. C’est, je crois, un roman dur pour ce qu’il décrit de notre époque et doux pour ce qu’il suggère de possible.

Le texte que je travaille en ce moment est construit autour  de ce véritable patrimoine commun qu’est la musique et plus précisément la chanson. J’y revisite à la première personne  – pour revenir à votre première question – et sans l’avoir décidé mes thèmes de prédilection : le corps, la place, l’exil, la transmission, et tout ce que l’écriture viendra en quelque sorte activer. C’est une auto-fiction par moment plus auto que fiction et par moment plus fiction qu’auto !

Je me réjouis, par ailleurs, de reprendre bientôt le chemin des festivals, des rencontres en librairies, médiathèques, établissements scolaires, tous ces échanges indispensables à la bonne irrigation de notre terreau à histoires.

Crédits photo de l’auteure : Jean-François Paga/Grasset

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