Portrait en Lettres Capitales : Sophie de Baere

 

Qui êtes-vous, où êtes-vous née, où habitez-vous ?

Je m’appelle Sophie de Baere, je suis née à Reims et je vis sur les hauteurs de Nice depuis vingt ans.

Vivez-vous du métier d’écrivaine ou, sinon, quel métier exercez-vous ?

En plus d’être romancière, je suis enseignante.

Comment est née votre passion pour la littérature et surtout pour l’écriture ?

La littérature a toujours fait partie de ma vie. Ma grand-mère et ma tante dont j’étais très proche étaient de ferventes lectrices et même avant que je ne sache lire, elles m’ont transmis le goût des histoires et des mots.

En ce qui concerne l’écriture, je suis une grande timide et celle-ci est la seule manière pour moi d’exprimer ma vérité, de traduire des émotions, leur intensité, leur fugacité. Écrire est pour moi une vibration. Et puis j’adore prendre le temps d’explorer l’intimité d’un personnage, de comprendre ce qui a pu l’amener à prendre telle ou telle décision, d’aborder et de fouiller des thèmes qui m’intéressent (les déterminismes sociaux, les relations homme/femme, l’usure du couple, la métamorphose, la résilience …).

Enfin, je prends plaisir à raconter une histoire et surtout à me raconter une histoire. C’est un plaisir solitaire dans lequel je ne suis jamais seule ; je suis alors comme une petite fille qui joue avec ses amis imaginaires.

Quel est l’auteur/le livre qui vous ont marqué le plus dans la vie ?

Question très difficile… Je dirais Pagnol. « La gloire de mon père » est un livre que j’ai lu enfant et que je n’ai cessé de relire.

Quel genre littéraire pratiquez-vous (roman, poésie, essai) ? Passez-vous facilement d’un genre littéraire à un autre ?

Après l’adolescence et durant de nombreuses années, j’ai surtout lu des essais philosophiques. Mon goût pour la lecture romanesque est revenu assez tard, depuis une dizaine d’années environ. Et quel bonheur ce fut de renouer avec ce plaisir ! Il m’arrive aussi de lire quelques pages de poésie, René Char particulièrement. Pour ce qui est relatif à mon activité d’auteure, je n’ai pour l’instant écrit que des romans et ce genre me comble totalement !

Comment écrivez-vous – d’un trait, avec des reprises, à la première personne, à la troisième ?

J’écris d’abord d’un trait puis vient le temps – long – de la réécriture. C’est l’étape que je préfère car elle assouvit davantage mon amour de la langue. Polir les mots et les phrases, les dépouiller du superflu, tenter d’aller à l’os sont des choses que j’aime particulièrement.  Pour mes deux premiers romans, j’ai écrit essentiellement à la première personne mais pour le prochain, je me suis positionnée à la troisième personne et au masculin !

D’où puisez-vous les sujets de vos livres, et combien de temps est nécessaire pour qu’il prenne vie comme œuvre de fiction ?

Le monde est un immense réservoir à histoires et il suffit de l’observer ! Pour « Les corps conjugaux », je me suis tout simplement inspirée d’une histoire vraie, découverte par hasard dans une rubrique faits divers.

L’écriture du premier jet me prend environ 4 ou 5 mois et j’ai besoin d’autant de temps pour la réécriture. Je dirais donc qu’a minima, une année est nécessaire pour que mon roman prenne vie.

Choisissez-vous d’abord le titre de l’ouvrage avant le développement narratif ? Quel rôle joue pour vous le titre de votre œuvre ?

Le titre vient toujours après l’écriture et pour chacun de mes romans, y compris le troisième, celui-ci se trouvait déjà dans le corps du texte. Même s’il est bien entendu évocateur de l’histoire et de son thème principal, un titre doit, selon moi, garder une part de mystère. Pour Les corps conjugaux, par exemple, le titre évoque la relation amoureuse dans ses deux aspects principaux : l’attraction des corps et l’engagement moral qu’est le mariage or pour mes deux personnages principaux, c’est justement la conciliation, habituellement banale, de ces deux aspects qui s’avère impossible.

Quel rapport entretenez-vous avec vos personnages et comment les inventez-vous ?

J’aime chacun de mes personnages, y compris les archétypes les moins « aimables » et les plus éloignés de ma personnalité. Chacun d’eux est finalement un petit échantillon de notre humanité et en cela, un petit bout de moi. Je me trouve en empathie avec chacun d’eux, tente de comprendre ce qui les a construits, les a amenés à être ce qu’ils sont et surtout ce qui serait susceptible de les transformer. Un personnage ne m’intéresse que par le fait qu’il est « en devenir ». J’aime par-dessus tout explorer la métamorphose des êtres.

Parlez-nous de votre dernier ouvrage et de vos projets.

Comme je l’évoquais précédemment, pour mon deuxième roman « Les corps conjugaux », sorti chez Lattès en 2020, je me suis inspirée d’un faits divers incroyable et glaçant, arrivé à un couple marié depuis de nombreuses années. Un bonheur parfait, paisible et, soudain, la gifle d’une révélation qui les empêche de s’aimer. Mon personnage principal, Alice, se voit ainsi contrainte de disparaître et de laisser sa petite fille et son époux adorés. Le lecteur va donc l’accompagner dans son errance et ses tentatives pour surmonter cet évènement déchirant. Il suivra également les réactions de sa fille Charlotte, dix ans, qui, du jour au lendemain et sans explication, s’est retrouvée abandonnée par sa mère.

Face à cette situation digne d’une tragédie grecque, j’ai eu envie de me mettre en position d’inconfort, de me questionner et de questionner le lecteur. De ne pas juger mes personnages surtout. Dans une telle situation, qu’aurais-je fait ?  Jusqu’où peut-on aimer ? C’est quoi aimer ? Quel est le poids de la morale face à des choix instinctifs et sensibles ?

Mon prochain roman traitera d’un tout autre thème et ce que je peux en dire actuellement, c’est qu’après deux romans consacrés à des portraits de femmes, je me suis octroyé le droit de me glisser dans la peau d’un adolescent de quinze ans. Et cette expérience s’est révélée très riche d’enseignements !

Photo de l’auteure, Renaud Savignard

 

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