Interview. Vali Irina Ciobanu : J’ai toujours aimé la mode des années 1920, la Flapper Girl est mon modèle préféré des années 1900

 

 

Les amoureux des Beaux-Arts pourront admirer du 7 janvier au 5 février 2023 au Palais Stirbey de la ville de Sinaïa l’exposition Stolen Kisses à laquelle participe l’artiste-peintre Vali Irina Ciobanu. En attendant cet heureux événement, nous lui avons sollicité une courte interview que nous vous invitons à découvrir.

 

Pouvez-vous nous présenter l’exposition Stolen Kisses qui se tiendra au Palais Stirbey à Sinaïa ?

L’exposition fait partie d’un projet plus vaste du Centre culturel Mihai Eminescu de Bucarest, « Histoire et art », un projet qui a débuté il y a quelques mois et qui comprenait une exposition collective au Patriarcat roumain. Les portes de cette exposition seront ouvertes le samedi 7 janvier à 16 heures et restera en place jusqu’au 5 février.

Lorsque Nicoleta Paninopol, la directrice du Centre culturel, m’a invité à participer avec quelques collègues à cette exposition au Palais Stirbey de Sinaïa, j’ai voulu créer une série spéciale adaptée à cet espace historique afin de surprendre et capter dans mes œuvres le parfum du début du siècle, cette exubérance, cette émancipation des femmes, cette joie qui semblait avoir conquis à l’époque le monde entier.

En fait, j’aurais dû commencer par vous demander ce que l’année 2022 a représenté pour vous, car je sais que c’était pour vous une période très riche, pleine de accomplissements, de voyages et de rencontres. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?

En effet, l’année 2022 a commencé en fanfare avec l’exposition « Characters » que nous avons présentée au pavillon roumain de l’Exposition Dubaï 2020. Il s’agissait d’une exposition organisée par Renaissance Art Gallery pour laquelle j’ai peint sur du cuir, selon une technique renaissance, une série de chevaux de différentes races et une grande carte – « Horses around the world ». Avec le Centre culturel Mihai Eminescu, nous avons réalisé cette année des projets très intéressants de peinture en plein air, « Avec le chevalet à travers le Petit Paris » à Bucarest, « La Serenissima » à Venise et « Orhei La Vieille Ville » en République de Moldavie. J’ai participé à une exposition rétrospective au Palais ASE de Bucarest – « Le filage de la laine », à une autre, « Médaillon de l’artiste », au Musée Octavian Mosescu de Râmnicul Sărat, et aussi à une exposition de nus avec deux collègues – « Nu en 3 », en Argentine, en Italie et à Taiwan, ainsi qu’à des expositions collectives et à divers colloques et colonies de création en Roumanie ou à l’étranger.

Revenons à l’exposition qui se tiendra au Palais Stirbey. Que pouvez-vous nous dire sur ce lieu ? Quelles ont été vos sources d’inspiration et comment avez-vous travaillé à la réalisation de ces portraits ?  

Le Palais Stirbey a été la résidence d’été de la princesse Alina Stirbey et du général Emanuel Florescu, étant connu comme le plus ancien bâtiment civil de la ville de Sinaïa, aujourd’hui transformé en musée municipal. Au début du XXe siècle, Sinaïa était la ville du luxe et de l’élite du pays. La construction du casino, ou « maison du diable » comme on l’appelait à l’époque, a attiré les gens riches de tout le pays. L’exubérance de ces années me fascinait, les fêtes, les lumières, les tenues vestimentaires et les histoires d’amour parsemées de drames enflammaient mon imagination et je voulais en quelque sorte recréer sur la toile une partie de ce qu’avait été le propre de cette époque. Je me suis inspirée de vieilles photos des années 1920, de photos plus récentes et, dans certains cas, j’ai demandé à quelques-unes de mes élèves de me servir de modèles. J’ai également revu le film américain Great Gatsby, qui m’a inspirée dans la création de cette collection.

Ce qui frappe le plus dans ces tableaux, c’est le choix très raffiné les couleurs choisies et l’aspect vintage de vos personnages. Peut-on dire qu’à travers ces figures d’époque vous étiez à la recherche d’un certain modèle de l’éternelle beauté féminine ?

Les femmes semblaient plus belles dans l’entre-deux-guerres, les robes sophistiquées, les cigarettes, les coupes de cheveux coquettes. La guerre et l’incertitude économique, mais aussi le fait qu’elles ont commencé à travailler aux côtés des hommes, leur ont donné envie de vivre l’instant présent, d’explorer les limites des conventions sociales, de flirter et de profiter de chaque danse, fête ou baisers volés. C’est ce que j’ai essayé de recréer dans cette collection, et j’espère y être parvenu.

Quel rôle jouent l’habillement dans ces tableaux ? Peut-on dire que nous avons affaire ici à une double focalisation du regard – l’une sur le portrait lui-même et l’autre sur les tenues comme objets artistiques qui accompagnent/complètent l’harmonie de l’ensemble ?

J’ai toujours aimé la mode des années 1920, la Flapper Girl (nom donné aux jeunes femmes occidentales progressistes des années 1920, connues principalement pour leur sens moderne du style) est mon modèle préféré des années 1900. La plupart de ces flappers portaient des robes plus courtes et plus décolletées, avec des doublures plus fines pour faciliter les mouvements et la danse dans les clubs de jazz, avaient les cheveux courts (coupés au carré), portaient des talons hauts et du maquillage, et avaient troqué les corsets traditionnels pour des soutien-gorge et de la lingerie. Lunettes de soleil, perles et plumes étaient des accessoires incontournables et très provocants à rendre dans le tableau. Cigarettes, boucles d’oreilles, paillettes et fumée créent une atmosphère très spécifique que l’on retrouve souvent dans les histoires passées de la ville de Sinaïa.

Cela nous amène à une question naturelle sur le lien artistique entre la peinture et la mode qui fonctionne elle-même comme un art. Je voudrais mentionner ici les tuniques brodées d’Yves Saint Laurent conçues en hommage à des artistes tels que Gogh, Braque et Picasso. Comment voyez-vous ce lien synchronique entre la peinture et le vêtement dans sa forme artistique, au service de la mode ?

C’est le lien parfait. Les créateurs de mode sont des artistes et il est normal de collaborer avec d’autres artistes visuels. La plupart des imprimés sont créés par des designers spécifiquement pour les vêtements, mais il arrive que des créateurs de vêtements utilisent des peintures ou des fragments de peintures dans leur art.

Ne pensez-vous pas que ce serait une excellente idée si toutes les robes peintes de la série Stolen Kisses pouvaient être manufacturées et rejoindre une collection de couture? Avez-vous des contacts pour cela ?

Ce serait aussi une excellente idée de peindre les robes d’un créateur d’une collection, oui. Ou dans l’autre sens, faire peindre les robes par moi. Je pense que j’apprécierais une telle collaboration. Malheureusement, je n’ai pas de contacts dans domaine de la mode. Mais je vais y réfléchir… Peut-être que votre article permettra de faire le lien entre mon art et un créateur de mode.

Nous sommes au seuil de la nouvelle année. Que peut-on vous souhaiter ?

Créativité, expositions dans des musées nationaux et étrangers, une bonne santé et réussite professionnelle et personnelle. La force dans le travail, une inspiration créative, des collègues avec lesquels je puisse partager mes succès et profiter de nos réalisations. Peut-être un peu de soutien des autorités dans la réalisation des projets que je me suis fixés pour 2023, un peu plus de compréhension de la part de ma famille…. Ce sont des choses que je vous souhaite à vous également et à vos lecteurs en les adaptant à chacun et à chacune !

Propos recueillis et traduits du roumain par Dan Burcea

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