Bénédicte Flye Sainte Marie

 

Depuis la mi-mars, Dan Burcea a fait plancher sur son blog Lettres capitales les plumes que nous sommes autour de divers thèmes centrés sur la pandémie. Aujourd’hui, c’est pour qu’elles se livrent à un exercice totalement différent qu’il les convoque puisqu’il s’agit de définir la relation que nous entretenons en tant qu’auteur (e) avec nos personnages. Une sorte d’écueil, me concernant car je ne suis pas romancière mais essayiste.

Mes trois ouvrages Le pouvoir de l’apparence, PMA, le grand débat et Les 7 péchés capitaux des réseaux sociaux, tous des livres sociétaux, n’ont comme « acteurs » que les êtres de la vraie vie. Ce qui n’empêche d’ailleurs pas ces derniers de me guider et de m’inspirer. Rencontrée pour les besoins de l’avant-dernier de mes opus, Ghada Hatem-Gantzer, gynécologue-obstétricienne et fondatrice de la Maison des Femmes, une structure conçue pour les victimes de violences et d’excision, est l’une de ces héroïnes entières, sans concession ni atermoiement, qui font avancer la France, à l’instar d’une Simone Veil en son temps.

Je n’ai donc pas encore de protagonistes de papier dans ma bibliographie personnelle, certainement parce que la timidité et la crainte de ne pas amener aux lectrices et aux lecteurs quelque chose qui n’a pas été déjà maintes fois lu ou relu m’empêchent pour l’instant de sauter le pas de l’écriture de fiction. Mais je ne doute pas que je franchirai ce seuil un jour. En attendant, mes personnages demeurent confinés dans les méandres de mon imaginaire, oscillant entre la France de Louis XIV, l’Angleterre victorienne, les Années folles et notre XXIe siècle aux contours parfois angoissants, hésitant à mettre le cap vers les pages toujours blanches d’un polar très saignant, d’une biographie qui aurait pour épicentre une figure flamboyante -probablement un(e) artiste ou un(e) scientifique- ou d’une fresque historique. Je ne connais pas leur âge, leur genre et leur nationalité. Ce dont je suis sûre en revanche, c’est qu’en un étrange renversement des choses, ils feront de moi leur créature. Je me calquerai sur leur pouls, j’inhalerai l’air qu’ils respirent, je ferai de leur monde le mien et de leurs souffrances et victoires le cœur de mes préoccupations.

Et puis, comme dans toute histoire (d’amour) qui se respecte, je serai obligée de les laisser partir. Avant que d’autres ne leur succèdent, qu’eux et moi nous ne faisions qu’un corps, une seule intimité puis que l’on se quitte à regret, et cætera…

Ainsi va, je crois, la vie de l’écrivain.

Bénédicte Flye Sainte Marie, 31 mai 2020

Bénédicte Flye Sainte Marie est journaliste en presse magazine et auteure de trois ouvrages parus aux éditions Michalon “Le pouvoir de l’apparence”, “PMA, le grand débat” et le dernier en date “Les 7 péchés capitaux des réseaux sociaux”, sorti le 8 février 2020 qui évoque les divers biais par lesquels les réseaux sociaux influencent et déforment nos comportements quotidiens.

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