Mariana Codruț : Cinq poésies du recueil «Le pouls ne peut pas être minimaliste»

 

 

si tu ne parles pas et si tu restes immobile,

tu pourras entendre le bruit du vent à travers les feuilles,

l’aboiement éloigné des chiens vagabonds,

même le roulement de la lune sur les murs

– des choses qui te rendent heureux.

 

jusqu’au moment où, dans le silence croissant,

tu entends les battements de ton cœur et la peur te saisit.

eh bien, ton cœur n’est nullement

plus effrayant que le vent,

que l’aboiement des chiens, que la lune !  

 

de quoi avoir peur ?

la disparition est comme un lac où tu vois

ton corps bleu flottant sur le dos

alors que de ton crâne continuent à pousser

(comme la barbe et les ongles des hommes

morts depuis longtemps pour toi)

des forêts de bouleaux royalement pétrifiés.  

 

devant le miroir

si tu te mets en retrait

rien ne te tourne autour. au contraire

tout devient plus vif, plus fort

pour toi (l’angoisse plante ses racines

dans le cœur mettant en mouvement

la machinerie destructrice de ses visions).

 

tu acceptes de devenir monstrueux

comme une fleur de tournesol génétiquement modifiée

regardant au loin vers les montagnes.

et tout ça pour qu’

en voyant ton visage dans tes paumes remplis d’eau

tu puisses le reconnaître. 

 

petite fugue

en octobre les arbres deviennent

douce lumière cuivrée

je n’aperçois pas parmi eux

la mort venir se coucher

 

(ils ont les yeux tournés

sans cesse vers une postérité

embuée et ouverte

dans une fleur multipliée)

 

le soleil suit sa course lentement

toujours de l’est vers l’ouest

pendant que les fleurs s’illuminent

multiples. quant au reste…

 

un autre type de portrait de la poésie

elle porte sur son épaule une pleine lune

et des vagues dorées coulent de son crâne

elle sent bon les fleurs comme toute femme.

 

l’éclat de son regard et tellement fin

que tu ne sens même pas quand elle te tranche la tête

tout en la laissant à sa place.

 

(Mariana Codruț, Pulsul nu poate fi minimalist, Editura Paralela 45, 2019, 120 pages)

 

(Traduit du roumain par Dan Burcea)

Pour la photo de l’auteure, crédits photos : Cristina Hermeziu

Mariana Codruț est une écrivaine roumaine, auteure de plusieurs recueils de poésies, parmi lesquels : Măceşul din magazia de lemne (premier volume, Junimea, 1982), Tabieturile nopţii de vară (Cartea românească, 1989), Existenţă acută (CR, 1994), Hiatus (Paralela 45, 2015), Pulsul un poate fi minimalist (ed. Paralela 45, 2019). Elle est également l’auteure du roman Casa cu storuri galbene (Polirom, 1997), du volume d’articles de presse et essais, Românul imparţial (Dacia XXI, 2011), et de la traduction en roumain du livre de Jean Piaget La représentation du monde chez l’enfant sous le titre Reprezentarea lumii la copil (Cartier, 2005). Ses livres ont été nominalisés pour plusieurs prix. Elle vient de recevoir le Prix Spiegelungen 2020  pour le genre de prose courte. Elle figure dans plusieurs volumes collectifs, comme 111 cele mai frumoase poezii de dragoste din literatura română, Nemira, 2017, sous la direction de Marius Chivu & Radu Vancu, Gefährliche Serpentinen. Rumänische Lyrik der Gegenwart, Druckhaus Galrev, 1998, sous la direction de Dieter Schlesak, Einladung nach Rumänien: Klassische und moderne Erzählungen, Noack & Block, 2016, sous la direction d’Elsa Lüder.

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