Fouiller dans « la vieille malle de sa mémoire » lorsque l’on devient « une femme fracassée » ne permet aucun répit à Bettina le Goff, le personnage central du roman Les Mal Aimées, de Caroline Bréhat. Ce dont elle a besoin en tout urgence est de sortir de la prison où elle se trouve et de défendre sa fille Apolline contre son père incestueux. Une récit haletant se met en branle pour dire la vérité sur un faux syndrome, non reconnu par l’OMS, dont l’existence divise pourtant les spécialistes, y compris la justice.
Dès le préambule de votre livre, vous prenez fait et cause pour toute une multitude de « femme bernées par un destin truqué ». Vous avouez porter en vous « des rêves brisés et des amours étranglés ». Impossible de résister à vous demander de quelle révolte et de quelle blessure est né votre roman ?
Je dirais tout d’abord que Bettina, même si elle présente quelques similitudes avec moi, est avant tout un personnage de fiction, une création de mon imagination. Il y a donc des ingrédients issus du réel (l’épopée judiciaire, mon incarcération) et des ingrédients fantasmés comme l’annonce d’ailleurs la référence aux contes de fée dans le préambule, en particulier La petite fille aux allumettes. Ces histoires, si elles sont importantes pour la construction identitaire des enfants, ont une influence décisive sur l’imaginaire des fillettes à qui l’on tend, en fin de compte, une sorte de miroir aux alouettes. On leur fait miroiter un avenir radieux avec un prince charmant qui prendra soin d’elles, mais l’actualité, les statistiques concernant la lutte contre les violences faites aux femmes mettent tout cela à mal : les petites filles découvrent, souvent avec fracas et mortifiées, que ces récits étaient certes séduisants mais qu’ils n’en étaient pas moins des fables, car non seulement le prince charmant n’existe pas, mais, surtout, notre société éduque plutôt les hommes à être tout sauf charmants (l’influence de la pornographie sur les jeunes hommes dont nous commençons tout juste à entrevoir les effets très délétères en est peut-être la démonstration la plus éloquente). Je me demande parfois ce que serait le monde si les contes de fée avaient mis en scène des femmes fortes qui protégeaient et sauvaient des hommes fragiles et vulnérables : est-ce que notre planète se porterait mieux si les rôles avaient été inversés dès le début, si les femmes avaient été les personnages dominants de l’Histoire ? Ma blessure est, bien sûr, liée à cette prise de conscience, cette désillusion, tant sur le plan général qu’individuel. Donc, oui, comme nombre d’auteurs, je pars de cette blessure fondamentale, au niveau individuel et universel, pour fabriquer une histoire. Peut-être est-ce parce que j’ai toujours trouvé que les tragédies avaient quelque chose de grandiose et d’inoubliable.
Le sous-titre pourrait nous aider à son tour à entrevoir l’étendue du sujet que vous traitez dans votre livre. L’inceste, un piège transgénérationnel nous met sur la piste d’une vision plus globale qui mérite d’être précisée. De quoi s’agit-il ?
Je précise tout d’abord que, dans mon roman, l’inceste est sciemment traité très métaphoriquement car il était hors de question de tomber dans des descriptions exhibitionnistes sordides. Je ne sais même pas si ce mot apparaît une seule fois dans le texte. Toutefois, le fil d’Ariane du récit est effectivement l’inceste en ce qu’il incarne à mon sens la plus grande des blessures, la pire des trahisons pour un être humain, un adulte en devenir, qui ne peut compter que sur ses géniteurs, sa famille, pour se développer harmonieusement et espérer atteindre le bonheur. Or, cet adulte en gestation se voit réduit à l’état d’objet, d’instrument de jouissance perverse, détruit par la personne même qui devrait l’édifier, l’aimer et lui permettre de se construire. Comment survivre psychiquement à un tel constat ? Le point de départ des Mal Aimées était donc de montrer que l’être humain peut survivre psychiquement aux pires blessures, se relever et goûter de nouveau le bonheur, notamment lorsqu’il peut mettre du sens sur ce qu’il lui arrive. J’ai trop entendu que l’inceste condamnait la victime à la répétition traumatique, au malheur, à la souffrance ad vitam æternam, je pense que c’est un peu réducteur et beaucoup trop fataliste. Bien sûr, chaque situation est différente, chaque individu a des ressources différentes tant internes qu’externes, mais, surtout, je crois dans les pouvoirs de la mise en sens de son propre récit, ce que Victor Frankl, un psychiatre autrichien survivant des camps de la mort Nazis, a appelé la « logothérapie ». Selon lui, c’est le sens que nous donnons à notre vie qui motive et qui oriente nos actions. Un manque de sens peut donc rendre très malheureux comme le prouve le désarroi dans lequel se trouve notre civilisation, plongée dans la frivolité et le narcissisme ambiants. Je pense vraiment que l’être humain fracassé par l’inceste – ou tout autre maltraitance, d’ailleurs – qui parvient à mettre du sens sur ses blessures et à qui l’on donne les moyens de se réparer peut rebondir et goûter de nouveau au bonheur de vivre. C’est en tout cas ce dont je suis témoin personnellement et professionnellement.
« Je suis le chagrin de ma fille, mon soleil voilé », écrivez-vous dans le même préambule. Doit-on supposer qu’une partie autobiographique se cache derrière les faits racontés dans ce roman ? Et, si oui, où se trouve la frontière entre le réel et la fiction dans la construction de votre récit ?
Personnellement, je ne peux pas partir du néant pour fabriquer un personnage de fiction, j’ai besoin de partir d’un « bout de vérité » pour me laisser ensuite « happer », « embarquer » par mon personnage qui est, lui, porté par mon imagination et mes fantasmes. Il y a un moment magique dans l’écriture où le personnage vous échappe, il trouve sa propre voix, s’émancipe de vous en quelque sorte, et « se trouve ». Ce qui est merveilleux dans ce processus, c’est que vous vous trouvez un peu, voire beaucoup, avec votre personnage. Le plus autobiographique dans ce livre est finalement, je pense, tout ce qui est du domaine des réflexions les plus intimes de Bettina, de son affectivité, ses espoirs et ses désillusions, sa « créativité » au sens du psychanalyste Donald Winnicott. J’aime que des lecteurs me parlent de Bettina et me disent qu’ils se sont identifiés à elle (petit clin d’œil à un Leclerc culturel qui se reconnaîtra sans doute), qu’ils l’ont aimée car j’aime moi aussi fondamentalement ce personnage et, d’ailleurs, je ne l’ai pas vraiment quittée en achevant l’écriture de ce roman. Bettina me hante positivement, justement parce qu’elle est tout à la fois moi, et pas vraiment moi. Il me semble qu’elle n’a pas tout dit, qu’elle a encore beaucoup de choses à raconter. Peut-être se réincarnera-t-elle dans une autre histoire ?
Une autre facette de votre personnalité est celle de votre métier de psychanalyste. En quoi cela vous a aidé à donner corps à votre récit ?
Cela m’a énormément aidé, car être psychanalyste impose une lecture très particulière du monde et un rapport non moins particulier au langage et à la parole. J’ai commencé à écrire ce roman en prison car je ne savais pas comment survivre autrement. C’est pour moi un geste très psychanalytique. Comme toujours, les mots se sont présentés à moi comme une bouée de sauvetage dans un moment de grande détresse. C’est d’ailleurs également souvent comme ça que je présente les choses à mes patientes qui, justement dans des moments de trauma, ne font plus confiance dans leurs perceptions. Elles ont des difficultés à appréhender la réalité comme si leur pensée s’était figée – comme moi au début de mon séjour en prison où j’étais noyée par l’irréalité de ma situation. Je disais donc que mes patientes ont l’impression de devenir folles, elles qui sont justement incidemment accusées d’être folles. Mes patientes sont souvent des femmes qui viennent vers moi après avoir lu mes livres, ce sont donc des femmes en butte à des violences conjugales. Elles sont souvent encore sidérées par leur rencontre avec ce qu’elles considèrent être le Mal absolu, sous cette emprise, ce qui veut dire que leur capacité à appréhender la réalité a été sévèrement endommagée, et ça c’est en soi un véritable sévice mental (il faut d’ailleurs regarder le film intitulé Gaslight de 1950 avec Ingrid Bergman et Charles Boyer pour comprendre). Et comme les mots, la parole, nous aident à intégrer le traumatique qui ne parvient pas à être représenté psychiquement, nombre de mes patientes portent avec elles leur petit cahier, comme un ami fiable, une sorte de confident, où elles écrivent leurs impressions et sensations fugaces ainsi que leurs rêves, voire des récits plus construits. Leur sidération se dissipe graduellement et leurs capacités élaboratives se reconstituent. Exactement comme moi avec l’écriture de ce roman. Dans le roman, Bettina, dont la parole a été mise répétitivement en doute par les traumatismes infligées par son ex et cet ultime trauma de l’incarcération, dit ceci : « Je doutais de mes perceptions, de mes affects, de mes sensations intimes, j’étais tellement habituée à ce que mes paroles subissent des distorsions que mon journal permettait de valider mes perceptions intimes ».
Je vous propose de revenir à vos personnages. Pour résumer, Bettina le Goff, se retrouve dans la casa circondariale, une prison italienne, en attente d’extradition vers les États-Unis. De quoi est-elle accusée et quelle est la raison principale qui est à l’origine de tout cela ?
Bettina est accusée de l’enlèvement international de son enfant, Apolline, qu’elle a en fait tenté de protéger de son père incestueux. Ne parvenant plus à la protéger à New York où elle était en butte à des accusation d’aliénation parentale et où elle perdait petit à petit ses droits maternels, elle a emmenée Apolline en France où, très exceptionnellement et contre toutes attentes, une Cour d’appel lui a donné gain de cause, jugeant qu’elle était une mère protectrice et le père un père dangereux. Le jugement de la Cour d’appel l’a donc autorisé à maintenir sa fille hors de son lieu de résidence habituelle (New York) et à demeurer sur le sol français. Hélas, Bettina ne savait pas que le FBI et le Département d’État américain l’avaient inscrite sur la liste des criminels les plus recherchées de la planète et qu’un mandat Interpol avait été émis à son encontre malgré la décision de la Cour d’appel en sa faveur. En voyage en Italie, des carabiniers l’ont incarcérée. C’est de sa cellule que Bettina entreprend d’écrire ce roman, Les Mal Aimées. L’écriture d’un roman dans un roman est en fait une mise en abyme.
En quoi le comportement de Hunter, l’ex-mari de Bettina, met en péril la vie de leur fille Apolline ?
Tout comportement d’emprise, ou d’aliénation de l’autre, est très dangereux car il s’agit d’une appropriation du psychisme de l’autre, d’une annexion psychique, avec des effets de contagion de la folie et de la terreur. L’autre n’est donc plus son propre sujet mais un objet de jouissance pour l’agresseur ou l’ « empriseur ». Cela peut donner naissance à ce que les psys appellent une « folie à deux ». En d’autres termes, cela peut rendre l’autre fou. On peut dès lors parler d’ « assassinat psychique ».
Vous parlez d’une « dynamique de fascination-idéalisation » qui avait empêché Bettina de distinguer les signaux alarmants de Hunter, son mari. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce mécanisme d’emprise psychologique ?
Je pense que certaines personnalités pathologiques ont la capacité d’hypnotiser l’autre, ce sont souvent des personnalités malsaines (je pense à des dictateurs comme Hitler, des personnalités dites charismatiques comme Trump qui ont actuellement le vent en poupe sur le plan politique hélas). C’est ce qui arrive à Bettina en rencontrant Hunter, elle est fascinée par lui, elle l’idéalise, mais elle n’est pas réaliste. Elle est aveuglée, éblouie. Une relation se met en place sur le mode du sacrifice narcissique, car Hunter peut dès lors opérer toutes sortes de projections (il projette sur elle tous les défauts et travers qu’il refuse de voir afin de ne pas les laisser le désorganiser psychiquement) sur elle, il la culpabilise sans fin au point qu’elle devient une sorte de déversoir. Il finit par absorber tout le peu d’amour que Bettina se portait à elle-même. J’énonce là le scénario classique de la violence conjugale. La projection en fait partie intégrante.
Dans les dédales de la justice française et européenne, un concept est de plus en plus cité et pose des problème à Bettina dans le sillage des tribunaux américains. Il s’agit du « syndrome d’aliénation parentale ». Pouvez-vous nous éclairer sur ce sujet ?
Le « SAP » est une stratégie judiciaire à la mode inventée par un psychiatre fou, un Américain du nom de Richard Gardner. Ce faux syndrome a engendré des catastrophes judiciaires (un jeune homme de 16 ans s’est notamment pendu aux Etats-Unis après que Gardner a convaincu les juges qu’il devait subir une « thérapie par la menace » et vivre avec son père ; une mère américaine a fait un AVC fatal après qu’un juge lui a annoncé que son enfant serait confié à son père agresseur, les exemples sont multiples). Gardner était convaincu que toutes les mères qui dénonçaient des violences de la part du père de leur enfant lavaient le cerveau de cet enfant et le manipulaient pour qu’il fasse de fausses accusations sur son père. La société civile française est en train de découvrir, grâce au président de la CIIVISE le courageux Juge Edouard Durand, que ces accusations sont généralement vraies, que rares sont les enfants qui mentent sur ces sujets et que c’est une méthode bien pratique, utilisée par les pères maltraitants et incestueux et leurs avocats pour détourner l’attention des violences physiques ou sexuelles qu’ils commettent sur leur enfant. C’est une arme redoutable axée sur la projection, qui consiste à projeter la faute, le rapport de domination père-enfant sur la mère : « ce n’est pas moi qui suis coupable d’emprise physique de notre enfant, c’est la mère qui est coupable d’emprise psychique et invente ces violences contre moi pour le maintenir sous son emprise ». C’est une stratégie perverse qui consiste à inverser les culpabilités car étymologiquement « pervertere » signifie inverser, retourner. Ces accusations en miroir génèrent un brouillard confusiogène qui empêche les intervenants psycho-judiciaires d’appréhender la réalité et de protéger l’enfant. Ils punissent la mère en la privant de son enfant, ils condamnent celui-ci à continuer à être maltraité par le père et ils récompensent le père violent en lui confiant la garde de l’enfant. Toutes les valeurs morales sont inversées, ce qui est un grand classique des phénomènes pervers : le Bien est stigmatisé et le Mal glorifié, les culpabilités sont inversées, la haine est assimilée à l’amour, la destruction à la protection et bien-sûr, la confusion et l’enfumage sont les maître mots. Vous imaginez sur quelles bases morales ces enfants se construisent ! Les acteurs psycho-judiciaires analysent donc cette dynamique comme un conflit parental sans comprendre qu’il s’agit d’une véritable pathologie mentale, avec sa dimension intrinsèque de haine, de terreur et d’emprise, et en ne protégeant ni la mère ni l’enfant, les institutions permettent au père violent de garder le contrôle sur la mère et les enfants et de continuer à les terroriser.
Sur la photo de couverture de votre roman y figure un couple qui semble d’une autre époque. Cela renvoie le lecteur à un autre constat que Bettina fera pendant le temps de sa détention, en fouillant dans sa mémoire. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur la série des femmes portant le prénom de Aimée dans la lignée de Bettina ? Qu’est-ce que cela représente pour elle, en tant que petite-fille et mère ?
Le livre raconte comment 4 générations de femmes, toutes ironiquement appelées Aimées, soit de par leur prénom soit de par leur deuxième prénom, subissent une sorte de malédiction transgénérationnelle centrée sur l’inceste, l’incestuel et les violences familiales. Les Mal Aimées raconte comment ces héritages nocifs, dès lors qu’ils sont non élaborés (non symbolisés), se reproduisent de génération en génération comme une force obscure et incontrôlable. Il faut donc nommer cette force, la parler, pour qu’elle cesse de frapper et que le cycle vicieux transgénérationnel se rompe enfin. En effet, le refoulé réapparaît toujours. Bettina le dit d’ailleurs : « Ces femmes avaient en elles une sorte de boussole avec un 5e point cardinal qui les avait conduites vers l’homme qui ressemblait le plus à leur parent sadique ».
Pendant sa détention, Bettina s’interroge également sur sa relation avec sa mère. Elle note des paroles comme « ma terreur de la perdre » En quoi ce rapport fille-mère est-il important dans son cas ? Et pourquoi à un moment donné, elle parle de « rôles inversés « j’étais pour elle ce qu’elle aurait dû être pour moi » ?
Bettina prend conscience que sa mère ne l’aimait pas « sainement », qu’elle l’aimait pour ses propres besoins à elle, pour se rassurer, se consoler, être moins seule, etc. C’est en ce sens qu’elle craignait toujours de la perdre, en proie à des angoisses abandonniques. La fille est d’une certaine manière le « doudou » de la mère. Aimée essaie de combler le manque d’amour fondamental qui a marqué sa construction par l’amour qu’elle attend en retour de la part de Bettina. Elle demande inconsciemment à Bettina de panser ses blessures en étant justement ce qu’elle n’a pas pu être elle, mais elle ne la laisse pas s’individuer correctement, ce qui empêche le surgissement des vraies potentialités créatives de Bettina. Mais ce n’est pas pour autant que Bettina jette la pierre à sa mère car sa mère est ce que les psychanalystes appellent une « mère crypte » : elle est traumatisée, habitée par un souvenir traumatique, enfoui et figé en elle qu’elle n’a pas pu symboliser. Elle renvoie donc sans fin du traumatisme à sa fille, notamment à travers ses comportements incestuels. Il est à la portée de tous d’ « aimer », mais « aimer » sainement en octroyant suffisamment de liberté à l’autre n’est pas à la portée de tout le monde. Il suffit de regarder les couples autour de nous, nombre d’entre eux s’aiment tout en se maltraitant…
Bettina aborde également ce qu’il lui arrive dans la perspective transgénérationnelle. Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet ?
Les Mal Aimées est un roman qui porte sur l’importance du regard maternel dans la construction de soi et sur la transmission de l’emprise et de la perversité d’une génération à l’autre. C’est aussi un roman qui explore le lien entre l’emprise, les maltraitances et le désamour de soi, il pose la question suivante : comment fait-on pour s’aimer lorsqu’on nous a martelé à grand renforts d’humiliations, physiques ou psychiques, qu’on n’était qu’un rebut, un déchet ? Les Mal Aimées explore cette dialectique, mais, ne vous y trompez pas, ce n’est pas un roman sombre, c’est une ode à l’amour car il est possible de s’aimer malgré tout. Les mal aimées que sont Bettina et Apolline au début du roman finissent par être des « bien aimées ».
Au fond, en vous lisant, ce livre à titre triste Les mal aimées n’est qu’un cri de détresse pour déclencher dans les cœurs des tous les enfants du monde la capacité de s’aimer. J’apporte ici comme témoignage les paroles que Bettina adresse en pensée à sa mère « Tes yeux sur moi m’auraient permis de mener à bien le grand dessein de ma vie : m’aimer ». J’ai envie de vous demander en guise de conclusion, pensez-vous que plus que jamais et plus que tout un enfant doit être aimé pour être vraiment protégé ? Est-ce que vous faites de cela une cause ?
Oui, plus que jamais, à notre époque post moderniste, qui déstructure les êtres, il faut aimer et protéger les enfants car les forces ultralibérales déstructurantes gagnent du terrain. Les parents sont coincés sur leurs écrans, ignorant leurs enfants qui réclament leur attention. La réalité virtuelle d’Instagram compte plus pour les ados que les relations réelles, les ados qui ne sont pas sur Insta et ont peu de likes sont considérés comme des losers. Les parents sont de moins en moins disponibles psychiquement et les enfants de plus en plus exposés cognitivement (je pense notamment à la pornographie et à un certain rap avec leur cortège de scènes traumatisantes). Heureusement qu’il y a une prise de conscience croissante et de plus de très belles initiatives à de petites échelles pour contrer ces forces déshumanisantes.
Propos recueillis par Dan Burcea
Caroline Bréhat, Les Mal Aimées, L’inceste, un piège transgénérationnel, Éditions Art3 Galerie Plessis, 2021, 200 pages.