Les Grands Entretiens de la Rentrée littéraire 2023: Christophe Boltanski, « King Kasaï »

 

 

Christophe Boltanski publie King Kasaï, un récit faisant partie de la très connue désormais collection Ma nuit au musée proposée par les Éditions Stock. L’auteur se déplace à Tervuren, un « faubourg de Bruxelles à la tranquillité provinciale, entouré d’étangs et de bosquets ». C’est dans cet endroit que se trouve Africa Museum, qui fut appelé à l’origine « Musée du Congo belge », puis « Musée royal d’Afrique centrale ». Ce musée construit sur l’ordre du roi Léopold II fut qualifié jusqu’il n’y a pas longtemps de « dernier musée colonial au monde ». Restauré, réaménagé en 2018, il se présente aujourd’hui, selon ses promoteurs, comme un musée « décolonisé ». 

Pourquoi avoir choisi Africa Museum de Tervuren, un établissement qui vous fait penser au moment de votre visite nocturne à une image minérale d’un pays « pétrifié, accroché au mur ou rangé derrière des vitrines » ?

J’avais visité ce palais dix ans plus tôt lors de l’écriture d’un autre livre intitulé Minerais de sang qui se déroulait au Congo. Je m’intéressais aux métaux très convoitées de la province du Kivu, dans l’Est de l’actuel RDC, qui encore maintenant sont l’enjeu et le nerf d’une guerre sans fin. Et toutes les archives minières se trouvaient – et se trouvent toujours – à Tervuren. J’avais découvert un lieu très étrange, un musée colonial, qui n’avait quasiment pas changé depuis son ouverture en 1910. Le musée avait été voulu à l’origine par le roi Léopold II afin de servir de vitrine à ce qui était alors sa propriété personnelle. C’était un instrument de propagande, destiné à encourager les Belges à faire fructifier son capital. Tervuren a été fermé pour travaux entre 2013 et 2018 dans le but déclaré d’être non pas seulement restauré, mais « décolonisé ». J’ai voulu savoir comment on faisait. Comment décolonise-t-on un musée colonial ? Cela relevait pour moi de la gageure. La question m’a intéressé d’autant plus que nous étions en plein « déboulonnage ». J’ai décidé de me rendre sur place en août 2020, après la mort de l’Américain George Floyd, tué par des policiers à Minneapolis, qui a provoqué dans le monde entier des manifestations et des attaques contre des statues coloniales.

Ce musée est un bâtiment curieux – « un panthéon inversé », dites-vous – où l’on entre par la porte de derrière, en se retrouvant dans le sous-sol et dans les réserves des « statues en dépôt ». Que vous inspire ce début de visite qui vous donne le sentiment d’être un intrus : « J’éprouve le vertige d’un nécromant ou d’un pilleur de tombes », écrivez-vous. D’où vient ce sentiment d’étrangeté et de mystère à la fois ?

Cette visite débute comme une descente aux enfers, car pour éviter l’entrée principale et son décorum colonial, un nouvel accès plus aseptisé a été aménagé, cent mètres plus loin, avec un bâtiment en verre, puis un escalier qui plonge dans les entrailles de la terre. Quand on emprunte ce long souterrain, le premier endroit que l’on explore, c’est une cave transformée en cimetière. Dans cette salle voûtée, s’entassent des statues de généraux d’empire et d’indigènes conformes aux clichés racistes de l’époque. Ça m’a fait penser au film d’Andrzej Wajda, L’Homme de marbre qui commence lui aussi par la découverte dans la cave d’un musée d’une sculpture d’un ancien héros du travail tombé en disgrâce. Paradoxalement, ces statues déchues sont les premières que l’on découvre. Elles sont jetées pêle-mêle dans un enclos sans que l’on sache précisément pourquoi. J’avais conscience de visiter un château hanté. On y sent la présence de Léopold. Même si certains de ses bustes ont été retirés, on aperçoit partout son monogramme sur les frises, les murs, les plafonds, on marche sur les symboles de son empire qui sont gravés dans le marbre. Le lieu est aussi et surtout habité par ses victimes. Même si celles-ci n’ont pas de nom, presque pas de visage, on tombe dessus par hasard, en cliquant sur un écran, et là, apparaît les photos terrifiantes prises dans les années 1900 par la missionnaire anglaise, Alice Seeley Harris, on y voit des mains coupées sur ordre des colons pour punir ceux qui ne ramenaient pas assez de caoutchouc. Tous ces gens m’ont accompagné durant cette nuit. Je pense qu’un écrivain est toujours un peu un médium, c’est quelqu’un qui convoque des fantômes, qui fait tourner des tables, qui traite de l’invisible, de ce qui n’est plus et de ce qui est caché. Donc, oui, à mon sens, j’étais là pour réveiller les morts.

Avant sa rénovation ce bâtiment était considéré comme « le dernier musée colonial au monde », enfermant entre ses murs « les préjugés et stéréotypes profondément ancrés qui ont contribué au racisme dans nos sociétés modernes ». N’est-il pas au fond fidèle à l’image et à la volonté taillée dans le marbre d’un Léopold II qui le fit naître pour servir à ses intérêts, comme vous venez d’affirmer ?

Absolument. Ce n’était pas un musée scientifique, mais un outil de propagande. Le musée devait contribuer à « l’éducation coloniale » de ses compatriotes. Pendant près d’un siècle, chaque enfant belge a visité au moins une fois Tervuren avec sa classe. J’ai décidé de raconter ce livre comme un voyage, car ces musées des autres se présentent toujours comme une sorte d’exploration. Quand le Quai Branly a été inauguré, la publicité, c’était « Devenez explorateur ». On vous distribuait un carnet pour noter vos « impressions de voyage ». Ce n’est pas pour autant le Congo que j’explore, mais notre passé colonial. Un musée des Autres nous instruit avant tout sur nous-mêmes. Tervuren représente moins l’Afrique que la vision que nous en avons.

Mais alors, comment expliquer aujourd’hui le besoin de cette soi-disant « décolonisation », que vous évoquiez, nécessaire après sa réouverture en 2018 ? Que veut dire en réalité ce mot qui sonne faux, un mot inutile, fabriqué pour l’occasion ?

C’est une mission impossible. On ne peut pas plus décoloniser un musée colonial que dénaturaliser un musée d’histoire naturelle. En France, on a opté pour une solution plus simple, mais aussi plus hypocrite. On a préféré fermer l’ancien musée des colonies, devenu entretemps le musée des arts africains et océaniens. Le bâtiment de la Porte dorée abrite aujourd’hui le musée de l’immigration. Parallèlement, Jacques Chirac a créé le Quai Branly, qui se présente aujourd’hui comme un musée des arts de l’Ailleurs. Transformer des objets ethnologiques en œuvres artistiques permet aussi de faire abstraction de leur passé, de les sortir de leurs contextes. Comme dit Walter Benjamin, l’art, c’est comme l’argent, ça n’a pas d’odeur. À Tervuren, on a préféré conserver le musée existant, en mettant à l’écart les pièces de la collection les plus choquantes et en y ajoutant, en guise de contrepoint, des installations contemporaines. On a voulu satisfaire tout le monde, au risque de ne contenter personne. À mon sens, il aurait été préférable d’en faire un musée de la colonisation belge. Curieusement, cette histoire considérable, qui a concerné près des trois-quarts de l’Humanité, n’est abordée nulle part. En France, nous avons des musées nationaux sur absolument tout : la mode, la poste, la douane, la tapisserie, la préhistoire, la Renaissance, le Moyen-Âge, et je ne sais quoi d’autres, mais pas un seul sur la colonisation. C’est un signe supplémentaire d’un passé qui ne passe pas.

Ayant le sentiment de vous retrouver « dans le ventre d’un monstre », vous cherchez un homme. Qui est ce chevalier Alphonse de Boekhat pourquoi dites-vous qu’il incarne en quelque sorte l’âme du lieu ?

Partout où je vais, j’ai toujours un livre avec moi. Durant cette nuit, j’avais emmené Au cœur des Ténèbres de Joseph Conrad. Comme le narrateur, le capitaine Marlow, j’avais le sentiment de remonter quelque chose de violent, de diluvien. J’ai décidé de me lancer moi aussi à la poursuite d’un homme, d’une sorte de Kurtz. Quand vous passez une nuit dans un musée, vous avez droit à un lit de camp pour vous reposer. J’avais décidé de camper dans l’ancienne entrée, sous la rotonde, en face d’une des pièces iconiques du musée, un immense éléphant appelé King Kasaï. Il avait été tué à la demande du musée en 1956. Je me suis donc intéressé à son chasseur, le chevalier Alphonse de Boekhat. En me penchant sur ce personnage, je me suis aperçu que toute sa famille était étroitement associée à l’histoire du Congo belge. Un aïeul a participé à la conquête en 1891, dix ans plus tard, l’un de ses cousins a exploité le caoutchouc pour le compte d’une société concessionnaire, et enfin un autre Boekhat a été l’un des commandants des mercenaires blancs venus défendre les intérêts miniers belges après l’indépendance.

Un autre emblème du musée est l’homme-léopard. Qui est « cette créature hybride, mi-humaine, mi-bestiale, une espèce de loup-garou tropical » ?

C’était une des statues les plus célèbres de Tervuren, réalisée en 1913 à la demande du ministère belge des colonies. Elle fait partie aujourd’hui des sculptures « mises en dépôt ». Elle est supposée représenter un membre d’une société secrète, les Aniotas. Revêtu d’une tête de léopard et de griffes acérées, il s’apprête à égorger sa victime endormie. Il s’agit d’un être terrifiant, une créature hybride, mi-humaine, mi-bestiale. Comme d’autres pièces du musée, notamment ses bêtes fauves empaillées ou ses fétiches à clous, cela participait d’une dramaturgie de l’épouvante. Dans ce musée, beaucoup de choses sont destinées à faire peur. Car il fallait, à l’origine, opposer la sauvagerie à la civilisation, la lumière aux ténèbres. Quand vous déambulez à travers les galeries, parmi tous ces monstres, ses crocodiles, ses hippopotames à la gueule béante, vous avez l’impression de parcourir une sorte de train fantôme, à fortiori la nuit, dans une obscurité quasi totale.

L’homme-léopard de Tervuren a été souvent repris dans la littérature populaire ou au cinéma. Il apparaît notamment dans les aventures de Tintin au Congo, un ouvrage qui avait aussi été voulu à l’origine à des fins de propagande coloniale. Pour réaliser ses dessins, Hergé n’a pas jugé utile de se rendre sur place, il s’est contenté d’aller à Tervuren pour copier pirogues, masques, animaux. Son album devrait s’intituler plutôt Les aventures de Tintin à Tervuren. Pour plein de gens, ce musée a servi de substitut à un pays tout entier. Tintin m’accompagne durant cette longue nuit, car j’ai grandi avec lui, j’ai appris à lire dans ses albums et je suis sans doute devenu reporter à cause de lui. Je me considère comme un enfant de Tintin et je ne suis pas le seul dans ce cas. Ce sont donc nos représentations, nos cauchemars que l’on retrouve à Tervuren. Nous revisitons des stéréotypes, des clichés, des images de croquemitaines qui nous ont été inculqués dès notre plus jeune âge.

Au-delà des objets, ce qui vous impressionne le plus ce sont leur agencement et la mise en scène censée mettre en valeur, tout comme dans la société humaine, une stratification du monde animal : « L’aristocratie animale sur ses colonnes de verre. La plèbe au ras du sol ». Occasion pour vous de penser à la taxidermie et à sa prétendue capacité de rendre encore plus durable le vivant. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?

Quand j’étais enfant, j’étais absolument fasciné par une œuvre de ma tante plasticienne, Annette Messager, qu’elle avait baptisée ses « petits pensionnaires ». Il s’agissait de dizaines de moineaux empaillés, emmaillotés dans du linge blanc et montés sur des roulettes à ressort. Elle les faisait tourner sur le sol de son atelier, rue Raymond Losserand, et leur prêtait toutes sortes d’histoires. Cela suscitait chez moi – et c’était d’ailleurs le but – des sentiments contrastés : un mélange d’éblouissement et d’horreur. J’ai toujours été troublé par la taxidermie présentée, à tort selon moi, comme une sorte de résurrection. Le taxidermiste ne redonne pas la vie, il joue avec la mort. Il expose des dépouilles. Ils érigent des figures de douleur. À l’origine à Tervuren, les bêtes fauves étaient là pour faire peur. Elles mimaient la sauvagerie afin de magnifier, par contraste, l’œuvre civilisatrice des colons. Elles sont toujours aussi effrayantes – a fortiori la nuit, saisies dans le faisceau d’une lampe-torche. Elles vous guettent juchées sur des vitrines, toutes griffes dehors, comme si elles s’apprêtaient à vous dévorer.

Et puis, vient le moment de la rencontre tant attendue avec King Kasaï, « l’unique, le gigantesque, le tout-puissant roi de la province du Kasaï ». Je vous laisse le présenter et nous raconter brièvement son histoire. Et celle de son chasseur, bien entendu.

Il paraît immensément vieux. Il a beau avoir été restauré lui aussi, il est tout plissé et racorni. Ses oreilles sont trouées. Il a été pisté durant plusieurs semaines dans une réserve de la province du Kasaï. D’où son nom un peu hollywoodien. Ce serait, m’a-t-on dit, un mâle solitaire qui aurait été évincé de son troupeau. Les animaux sauvages, dès lors qu’ils sortent du groupe, sont aussitôt considérés par les humains comme dangereux. Dans le musée, il semble toujours aussi seul. Il repose à l’écart, au bout de la salle consacrée à la faune, tournant le dos au reste de la création. Il a été choisi à cause de sa taille impressionnante, malgré un défaut : il ne possédait qu’une seule défense. Il avait dû perdre l’autre en se battant. Donc on a dû tuer un autre éléphant afin que sa fourche soit au complet. L’éléphant, c’est encore un cliché à propos de l’Afrique. On peut y voir aussi un double du mâle blanc, ce roi détrôné. À force de le regarder, je me suis intéressé à son meurtrier. Un chasseur professionnel, un aristocrate, portant le titre de chevalier, issu d’une lignée de colons belges. L’un de ses ancêtres a participé à la conquête du Congo, un autre était un agent commercial d’une société qui exploitait le caoutchouc, avec toutes les violences que l’on connaît. Un troisième a fait partie des mercenaires qui ont combattu au Katanga, au moment de l’indépendance. Toute la famille est associée étroitement à cette histoire.

Cet environnement dont vous prenez connaissance comme guidé par un tour opérateur, vous semble être comme une scène de crime d’où manquent les suspects et le mobil. À peine visible, la photo, mentionnée déjà, des indigènes tenant des mains coupées vous met sur la piste. Que disent encore aujourd’hui les clichés que vous venez d’évoquer, pris en 1904 par Alice Seeley Harris de la sauvagerie coloniale du Congo belge, de ces cueilleurs de caoutchouc punis de cette horrible façon ? 

Je raconte une descente aux enfers puisqu’on commence la visite en plongeant dans les profondeurs de la terre. On entre dorénavant à Tervuren par les caves afin d’éviter l’ancienne rotonde et ses statues coloniales. Le musée reproduit un peu le schéma de la Divine comédie : vous franchissez différentes portes défendues par des cerbères empaillés, et, à la fin de ce long voyage, vous accédez à la salle consacrée à l’histoire coloniale. Les clichés d’Alice Seeley Harris reposent dans ce dernier et neuvième cercle, mais pour les trouver il faut vraiment le vouloir. Vous devez attendre de les voir défiler sur un écran tactile et appuyer dessus afin de les agrandir. Ces mains coupées paraissent toujours aussi irréelles. Ce qui est frappant c’est l’attitude des agents commerciaux devant ces horreurs : ils n’expriment aucune gêne. Ils regardent la caméra et bombent le torse comme s’ils posaient pour une photo de mariage.

Ce terrain est également propice à accueillir des aventuriers comme Léon Rom. On disait de lui qu’il collectionnait des cranes comme des timbres-poste. Il a même inspiré le personnage Kurtz de Joseph Conrad. Dans quelle mesure avez-vous senti se déployer dans ce musée cette noirceur de l’être humain ? Comment est-elle cachée ou montrée aux yeux des visiteurs d’aujourd’hui, tout comme celle des photos dont nous parlions plus haut ?

Le musée ne fait aucune mention de Léon Rom. On sent un grand embarras sur tout cela. On parle du caoutchouc dans une salle consacrée aux ressources naturelles sans aucune référence aux mains coupées. L’espace dédié à l’histoire coloniale est très réduit et assez décevant. On évoque les « violences » et les « abus » commis sous le règne de Léopold dans des termes très généraux. On sent que chaque mot a été pesé afin de ne fâcher personne, comme dans un communiqué diplomatique. Même l’explorateur Stanley qui, avant la restauration occupait presque une salle entière, est relégué dans les sous-sols. Malgré ces silences et ces vides, ou peut-être à cause d’eux, on ressent partout quelque chose de pesant et de sombre.

Visiter Africa Museum ressemble pour vous à une traversée d’un champ de bataille. « Tervuren est une place forte disputée par des armées de statues ». Que reste-t-il de ses combats aujourd’hui ? Ne pensez-vous pas que ce combat a un lien avec le déboulonnage des statues d’aujourd’hui, signe du refus de la colonisation ?

Le musée se débat avec son lourd passé – un passé coulé dans le bronze ou taillé dans le marbre – et il ne sait pas trop quoi en faire. Hors les murs, aussi, ces statues suscitent l’embarras et la colère. Elles sont attaquées, parfois vandalisées. Mais paradoxalement, c’est ainsi qu’elles redeviennent vivantes. On ne les voyait plus, elles avaient fondu dans le mobilier urbain, on ne savait même plus quel personnage elles représentaient, et, avec un peu de peinture rouge et quelques manifestants, elles ressuscitent. Elles peuvent être à nouveau regardées et questionnées. Il y a un très beau film de Chris Marker consacré au Musée de l’Homme qui s’intitule Les statues meurent aussi. Selon Marker, une statue meurt quand le regard vivant qui était posé sur elle disparaît.

Et enfin pour conclure, cette question qui devrait nous accompagner à chaque fois que l’on visite un musée. Parmi les merveilles exposées, dans quelles conditions ont-elles été acquises ? Est-ce que cette question persiste désormais chez vous après l’expérience vécue à Tervuren ?

Je me suis aperçu en visitant Tervuren que la plupart des objets exposés, qu’il s’agisse d’animaux naturalisés, de masques ou de statuettes, sont en réalité des trophées. Des prises de guerre ou des tableaux de chasse. Cela n’est pas propre à l’Africa Museum. Michel Leiris raconte lui-même dans l’Afrique fantôme comment il s’est emparé de masques Dogon en s’introduisant nuitamment dans une hutte avec un couteau. Dans les années trente, Marcel Mauss, qui dirigeait le musée de l’Homme, délivrait ce qu’il appelait des « permis de capture » scientifique. L’une des statues iconiques de Tervuren a été littéralement kidnappée par un aventurier belge, Alexandre Delcommune afin de priver les villageois de leur divinité et donc de les affaiblir. C’était dans son esprit une prise d’otage. Lors de ma nuit passée à Tervuren, ce fétiche à clous était encore présenté comme une œuvre d’art « collectée » par un certain A. Delcommune, sans autre précision. Depuis, il est exposé à part, afin d’illustrer la question des restitutions. Donc les choses évoluent.

Propos recueillis par Dan Burcea

Photo de Christophe Boltanski :© Alina Gurdiel

Christophe Boltanski, King Kasaï, Éditions Stock, 2023, 160 pages.

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