Portrait en Lettres Capitales : Maïa Kanaan-Macaux

 

Qui êtes-vous, où êtes-vous née, où habitez-vous ?

Je m’appelle Maïa Kanaan-Macaux, je suis née à Rome d’une mère française et d’un père égyptien. Nous avons beaucoup voyagé avant que je ne m’installe à Paris à 18 ans et ensuite bien plus tard avec mon mari et mes trois filles en Normandie.

J’habite désormais à Rouen et je navigue entre Paris et la côte d’Albâtre. Là-bas, la terre se termine abruptement par de hautes falaises qui font face à la mer.

J’aime beaucoup d’autres endroits notamment des lieux où le soleil vous réchauffe plus souvent qu’en Normandie ! Des villes du Sud comme Rome, le Caire, Alexandrie, Nice ou encore des paysages préservés comme ceux de l’Aveyron ou du Lot.

 J’aime découvrir de nouveaux endroits et revenir dans des lieux aimés mais les ciels de Normandie sont uniques et c’est vers eux que je retourne toujours.

Vivez-vous du métier d’écrivaine ou, sinon, quel métier exercez-vous ?

Mon métier d’écrivain me nourrit profondément, mais je n’en vis pas. Et même si j’en vivais, j’ai besoin de vivre des aventures humaines, de rencontrer des gens. J’accompagne des créations théâtrales en tant que productrice. Il s’agit de projets qui ont vocation à permettre la rencontre entre les artistes et les habitants du pays de Caux, en Normandie. C’est un théâtre vivant au cœur du monde rural. J’y trouve un sens politique. Et ça compte pour moi !

Comment est née votre passion pour la littérature et surtout pour l’écriture ?

Je ne lisais pas enfant. J’étais déçue lorsque je découvrais (et ça arrivait souvent) un livre au pied du sapin ou pour mon anniversaire. J’aurais préféré n’importe quoi mais pas ça !

 J’ai découvert la lecture à l’adolescence. Je venais de perdre mon père, je comprenais que la vie pouvait être âpre et les mots m’ont aidé.

La lecture a été mon salut, j’y trouvais une façon de magnifier la vie, d’en dire la beauté et la cruauté.

Quel est l’auteur/le livre qui vous ont marqué le plus dans la vie ?

Nina Berberova dont j’ai lu les livres entre 15 et 17 ans.

Quel genre littéraire pratiquez-vous (roman, poésie, essai) ? Passez-vous facilement d’un genre littéraire à un autre ?

J’écris des romans, rien que des romans. Mais j’aime aussi rassembler des témoignages, retranscrire fidèlement la parole de ceux qui acceptent de se raconter. Je l’ai fait une première fois avec des femmes issues de l’immigration en atelier à Garges-lès-Gonesse. Nous avons parlé du rapport aux hommes, père, frère, mari…. Et j’ai découvert des vies dont les constructions étaient tellement différentes de la mienne, que ce fut un choc, une expérience d’une incroyable richesse.

Plus récemment j’ai travaillé sur les témoignages des terre-neuvas (les pêcheurs qui partaient chaque année des côtes européennes et en particulier de Fécamp, pour pêcher la morue sur les grands Bancs de TerreNeuve, au large du Canada) et de leurs familles dans le pays de Caux… J’aime entrer dans des mondes et le récit documentaire permet cela.

Comment écrivez-vous – d’un trait, avec des reprises, à la première personne, à la troisième ?

À la première personne. Je n’arrive pas (pour l’instant) à donner de la force, une intériorité à des personnages dont je parlerais à la troisième personne.  Mais je sens que ça vient. Je n’ai écrit pour l’instant que deux romans…. C’est peu !

J’écris en cherchant la forme intrinsèque au récit et tant que je n’ai pas trouvé, je reprends.

D’où puisez-vous les sujets de vos livres, et combien de temps est nécessaire pour qu’il prenne vie comme œuvre de fiction ?

Dans la vie, à travers mes rencontres, ce qui me marque, me choque, m’interpelle, me donne de l’espoir….

Mon premier roman était autobiographique. « Avant qu’elle s’en aille » a muri pendant des années avant que je n’arrive à faire des membres de ma famille des personnages de roman. La forme du récit a suivi. Elle répondait aux questionnements auxquels j’étais confrontée dans le présent, au regard que je portais sur notre histoire de famille alors que ma mère seule autre membre encore vivant de cette histoire perdait la mémoire.  

 J’ai écrit mon deuxième roman « Les exilés » parce que j’ai assisté impuissante à la mise en fragilité extrême d’un jeune migrant isolé par les services de l’état. Je ne m’y attendais pas ici en France et j’ai voulu faire de ce vécu, une histoire fictive mais dont l’ancrage est profondément sociétal.

J’ai rêvé de l’histoire du livre une nuit et au petit matin, j’en ai écrit les grandes lignes. Ensuite, j’ai travaillé sans interruption pendant des mois pour trouver la forme, le rythme, l’alternance de personnages et l’équilibre du récit.

Choisissez-vous d’abord le titre de l’ouvrage avant le développement narratif ? Quel rôle joue pour vous le titre de votre œuvre ?

Je donne un titre provisoire à un projet et il s’avère finalement qu’il est souvent le bon. 

Quel rapport entretenez-vous avec vos personnages et comment les inventez-vous ?

Je puise à droite à gauche dans le réel, auprès de ma famille, de mes amis, des connaissances, des personnes croisées. Je ne vole rien, je n’usurpe rien mais je regarde et cherche du sens, quelque chose qui nous rassemble, nous les êtres humains.

Je me vois comme une observatrice bienveillante de trajectoires humaines, d’hommes et de femmes qui tentent d’exister dans un monde violent.

Parlez-nous de votre dernier ouvrage et de vos projets.

« Les exilés » paraîtra le 3 mars 2022 aux Éditions Julliard.  

Le livre raconte une rencontre, celle de deux êtres fragilisés par l’existence ; Un jeune guinéen de 15 ans, arrivé seul et sans papier en France pour sauver sa famille et une femme d’une quarantaine d’années, enseignante, qui quitte son mari et son emploi suite à un drame personnel.    

C’est le récit de la reconstruction de ces deux personnages, Isabelle et Ibrahim, qui vont s’entraider, s’épauler, s’accompagner pour revenir vers la vie.  

Photo de Maïa Kanaan-Macaux :  ©Roberta Sneider

 

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