L’innombrable miroir de la lyre d’Orphée dans « La Beauté Eurydice » de Georges de Rivas

 

À l’origine, et si tout était unité immaculée de poésie, « nudité éthérisée » née de la lyre primordiale du Mystère ?

« Le langage dont Orphée usait a surgi au Commencement des âges/Son primordial éther sonore était la source de ce très haut lignage ». Dans « La Beauté Eurydice » de Georges de Rivas, si Orphée apparaît fondamental, il est aussi prophète du salut d’une humanité perdue. Ainsi est invoqué « le nom d’Orphée pour renouer le lien entre la terre et le divin ». Orphée, médiateur, est la voix d’un entre deux mondes : celui où rayonne sans discontinuer « la lumière incréée » de la divinité et celui où la « mort » règne et sévit.

Le premier monde est celui où vit l’être aimé entre tous, connaissance personnifiée et muse éternelle, Eurydice, « l’autel divin où (elle) demeure et (se) souvient ». Il est révélé par les voix ferventes des amants tel le pressentiment de l’absolue libération de la vie, de la conscience et de l’amour. Le voyant Orphée, « bohémien des nuées » refléterait ce « Ciel » comme une louange et un puissant appel à l’éveil adressé à l’humanité à laquelle il rappelle la présence d’un « monde où prend forme et vie le destin de toute chose sur la terre ». Cette source vitale et spirituelle est apprivoisée par un ton et un rythme propices à son suprême rayonnement : les phrases très longues et souples de la prose poétique ne laissent pas filer leur passion et semblent, en s’enchaînant, à la fois condenser et déployer leur élan euphonique: créant l’effet d’un vol qui ne retombe pas. La succession effrénée d’images mêle la surprise esthétique au jaillissement de sens sacré.

Orphée semble hanté par « le souvenir des eaux baptismales où nos âmes furent plongés par un ange solaire ! » il ne peut détacher son œil spirituel de cette contrée paradisiaque dont il est exilé, à la fois « dans la Constellation de la Lyre » et dans les limbes omniprésentes d’une terre mourante.

La vision du « Ciel » s’interpénètre à celle de la mort du monde d’ici-bas, suggérant la prophétie d’un dénouement entre douleur et lumière, semblable à une brûlure de phénix. Orphée est écartelé dans son émotion même, entre inaliénable splendeur et misère suffocante, en tant que témoin de l’état apocalyptique de notre monde.

« Mais ne sens-tu pas, ô Orphée que la Terre est aimantée par l’abîme, que l’Homme, mime des ténèbres, engendre la misère et tue la lumière de l’âme.

Ô pourquoi ne reviens-tu pas à cette étoile où Apollon te déposa ? 

Vois la terre dévastée de schismes et de guerres, ensanglantée de crimes, vois la planète souillée, déforestée et qui agonise, bientôt carbonisée ! »

Le souffle de sa lyre emporte «Dame nature dans une morgue d’or noir » élevant le chant de sa détresse qu’il sublime, lui rendant hommage.

La souffrance de la planète, de l’être « dans ce musée climatisé où les hommes vont se terrer dans les prisons de leurs demeures informatisées » ne sont pas les seuls thèmes abordés et même Éros, dont la haute expression est abondamment remplacée par des ersatz souffre :

« Et qui entend ce cri du tigre royal à l’agonie sous ces feux de Bengale, Éros sacrifié sur l’autel lubrique de foutriquets au fantasme génital ? »

L’apocalypse est ici et d’après l’étymologie grecque du mot autant le démantèlement que la révélation nouvelle, suspendue aux lèvres du silence entier, celles d’Eurydice, «Eurudíkê » en grec, la grande justice. Orphée, la parole dialoguant avec le Silence, n’est-il conscience « christique » ? Il est conscience poétique au sens le plus absolu, que chacun aurait en soi – il faut bien un poète pour rendre un rayonnement de sa sublime voix, en esquisser le miroir entre Terre et Ciel et Georges de Rivas choisit de le faire sans détour  – portail de rédemption et annonce de résurrection au sein de la tempête mortifère.

Marine Rose©

Georges de Rivas, La Beauté Eurydice, Éditions Alcyone, 2019.

Marine Rose, née Marine Wharmby à Annecy le 21.04.1992, passe un baccalauréat scientifique avant de rejoindre une école d’ingénieur agronome à Toulouse, puis de changer de parcours pour des études de droit. Après de dures épreuves de santé naîtra dans son cœur l’appel d’une vocation de poète.

À 20 ans elle publie son premier recueil aux éditions Stellamaris intitulé « Poèmes à cœur » sous le pseudonyme de Bamby, suivront « Des cheveux de rose » et « Nuit Perle », ces recueils seront réédités en 2021 dans « Premiers recueils » avec deux autres recueils de jeunesse inédits.

Chez le même éditeur elle publiera ensuite ces recueils de poésie:

« Trésor » 2018

« Le Nénuphar et la Grâce » 2019

« Rosa mystica » 2019

« Ruisseaux d’opales suivi de L’île aux hiéroglyphes » qui obtient le prix Jean Giono 2020 de la Société des Poètes Français

« D’un bord à l’autre de la rose méditerranéenne » co-écrit avec le poète berbère Essaid Manssouri , 2020

« Les Anges Bucoliques » 2021

« La Statue de la poésie » obtenant un prix international de la créativité Naji Naaman 2021

« L’Ange du Silence », 2021

Depuis 2016 l’auteur réside près du lac d’Annecy avec son compagnon et sa fille née en 2017.

 

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