Portrait en Lettres Capitales : Adrian Voïcu

 

Qui êtes-vous, où êtes-vous né, où habitez-vous ?

Avant de répondre à vos questions, je voudrais vous saluer et vous remercier pour l’honneur que vous me faites en me mettant sur la liste des invités des « Portraits en Lettres Capitales ».

« Qui suis-je ? Fais résonner tes plaines! »

Oui, c’est un vers de la poésie Patria [La patrie] de Nichita Stănescu, et laissez-moi vous dire une chose amusante qui me vient à l’esprit chaque fois que j’entends cette question.

J’avais un camarade de classe au lycée militaire qui n’arrivait pas à se souvenir les paroles de cette poésie et à chaque fois notre professeur de langue et de littérature roumaines le faisait réciter. Il parlait lentement, pas du tout sûr de lui et faisait un délicieux mélange de paroles, mais à chaque fois il terminait en prononçant d’une voix haute, rapide et pressante « Je suis à toi, ma patrie, depuis toujours ! »

Toujours en faisant appel aux paroles de Nichita, je répondrais que « je ne suis rien d’autre qu’une tache de sang » qui raconte des histoires.

Je suis un conteur de vies, de la vie de mes personnages bien-sûr, des personnages que j’essaie d’imaginer le plus opposés possible aux temps gris que nous vivons en ce moment.

Je suis né à Nehoiu, la seule et la plus belle ville de montagne du département de Buzau et depuis plusieurs années, environ 7 ans, j’habite en France, pas loin de Paris.

Vivez-vous du métier d’écrivain ou, sinon, quel métier exercez-vous ?

Oh, ouais, j’aimerais bien vivre de l’écriture, et je n’ai toujours pas abandonné ce rêve.

Mais pour continuer ma passion pour l’écriture, je dois faire valoir mes compétences d’ingénieur aéronautique et travailler dans ce domaine, ce que j’aime beaucoup, peut-être pas autant que l’écriture, mais pas loin.

Comment est née votre passion pour la littérature et surtout pour l’écriture ?

Comme j’aime souvent le dire, j’ai acquis ma passion pour l’écriture dès que j’ai fini de faire les bâtons en première année d’école primaire et prononcer Ana are mere [Ana a des pommes], la célèbre phrase du vieil Abécédaire que l’on apprenait à la maternelle.

En 1988-1989, quand j’étais étudiant à l’École Militaire d’Artillerie et de Missiles Antiaériens de Brasov, je suis tombé malade et suis resté à l’infirmerie pendant environ 2-3 semaines.

Eh bien, qu’allais-je faire à l’infirmerie pendant  tout ce temps ?

Pas de bonne nourriture ni télé ni même de belles infirmières, alors j’ai commencé à écrire toutes sortes d’histoires que j’ai lues à mes collègues du peloton qui me rendaient visite, à leur grand amusement.

Puis j’ai commencé à écrire pour la brigade artistique de la compagnie dont je faisais partie, et pendant un certain temps quelques petits textes paraissaient dans le magazine « La vie des étudiants », ce qui m’a rendu très, très heureux.

Et depuis, le relais de la passion de l’écriture s’est couplé avec le reste.

Quel est l’auteur/le livre qui vous ont marqué le plus dans la vie ?

Il y a beaucoup d’auteurs et de livres, je ne pense pas que quiconque s’arrête à un seul livre ou à un seul auteur.

Pour commencer, je dis que j’ai eu beaucoup de chance avec mes parents.

Ma mère, une grande amoureuse des livres, avait hâte que Mme Iana ou Mme Licuța, les seules libraires du Nehoiu de mon enfance et de mon adolescence, apportent de nouveautés et elle revenait à la maison avec un sac de livres.

Je me souviens d’abord des Souvenirs d’enfance d’Ion Creangă, en suivant les histoires avec Princes Charmants, Ilene Cosanzeane et Calin – des pages d’histoire de Mihai Eminescu, puis je me souviens que c’était autrefois une belle collection, Contes immortels, je l’ai bouffée avec du pain, pour ainsi dire, aussi grâce à mon père qui m’a lu diverses histoires de manière drôle et magique.

Puis j’ai adoré Contes de fées des Roumains de Petre Ispirescu, Les aventures de Pacala de Petru Dulfu, Nică fără frică [Nica sans peur] de Nina Cassian, les histoires de San Antonio ou Haralamb Zinca, Les Trois Mousquetaires et Le Vicomte de Bragelonne d’Alexandre Dumas, toutes les histoires de Jules Verne, en continuant avec les histoires de Winnetou, Old Firehand, Old Surehand et Old Shatterhand ou Les aventures dans le Desert Sauvage de Karl May, ou les superbes romans de Sven Hassel, Douglas Reeman ou Alistair MacLean.

J’en ai assez énuméré, je dis, au premier abord, c’est pourquoi je vous ai dit que ce ne peut pas être un livre ou un auteur, il y a trop de belles choses dans ce monde pour que je m’arrête à une seule.

Quel genre littéraire pratiquez-vous (roman, poésie, essai) ? Passez-vous facilement d’un genre littéraire à un autre ?

Je me sens comme un poisson dans l’eau écrivant des histoires courtes, la plupart de mes livres déjà publiés étant des recueils d’histoires de cette taille.

J’ai un roman en deux volumes, mais j’aimerais bien terminer la trilogie un jour.

J’ai aussi écrit des poèmes, nombreux, beaucoup ont été perdus, d’autres que j’ai rassemblés dans un volume imprimé, un autre j’espère avoir le temps et la force de lui donner une forme définitive et de le donner à une maison d’édition désireuse de l’offrir au public.

J’ai même écrit une pièce de théâtre qui a été lue à l’Institut Culturel Roumain de Bucarest et qui a été bien accueillie par le public.

La transition facile ou la non-transition d’un genre à un autre se produit en fonction du temps disponible et du pouvoir de concentration.

Mais, comme je l’ai dit plus haut, la chose la plus confortable pour moi est de raconter aux gens des histoires plus ou moins imaginées sur moi-même et sur eux-mêmes, comme ils n’auraient jamais pensé voir.

Comment écrivez-vous – d’un trait, avec des reprises, à la première personne, à la troisième ?

Oui, j’avoue modestement que mes écrits réussissent dès la première tentative. À une deuxième, troisième lecture, des erreurs de grammaire ou des expressions déplacées surviennent.

Je raconte l’histoire à la première personne, la troisième personne prédomine lorsque j’écris un roman.

D’où puisez-vous les sujets de vos livres, et combien de temps est nécessaire pour qu’il prenne vie comme œuvre de fiction?

J’imagine mes histoires comme s’il s’agissait de cordes auxquelles le public s’accroche pour sortir de son monde et entrer dans le monde de mes écrits, cordes tissées à partir de moments et de sentiments de la vie quotidienne, avec de nombreux fils de fiction.

La vie de tous les jours m’aide beaucoup et tout ce dont j’ai besoin est le noyau, une graine, une petite idée, un mot, une expression, une situation à partir de ce que je vois, entends et ressens, puis je m’envoie un email et plus tard, quand j’ai un moment, je dessine ou définit librement toute l’histoire.

La rapidité ou la lenteur avec laquelle je les présente aux fans – je suis assez actif en ligne avec mes histoires, cela dépend de combien je suis occupé par mon service et ma vie de famille.

Choisissez-vous d’abord le titre de l’ouvrage avant le développement narratif ? Quel rôle joue pour vous le titre de votre œuvre ?

A mon avis, le titre est décisif.

Il n’a pas beaucoup d’importance, je dis, si votre nom est Mircea Cartarescu ou Stephen King, mais si votre nom est Adrian Voïcu, alors vous devez vous demander « Quel titre dois-je donner à ce livre pour susciter la curiosité d’une maison d’édition? »

Et puis, au lieu de mettre un titre comme « Solénoïde » à mon livre, je pense pendant un moment et quelque chose comme « Quand le monde a commencé à couper son cochon de la liste » ou « Les aventures indicibles des Templiers Roumains ».

D’accord, la comparaison ci-dessus est un peu forcée, mais qui connaît mes écrits, sait de quoi je parle.

Quel rapport entretenez-vous avec vos personnages et comment les inventez-vous ?

Je n’invente pas les personnages, ils viennent juste s’asseoir dans mes histoires.

Certains apparaissent plus discrets, d’autres, au contraire, entrent avec des processions et pompons ou sont vraiment brutaux, d’autres sonnent à la porte et disparaissent jusqu’à ce que vous sortiez pour voir de qui il s’agissait.

Quoi qu’il en soit, nous sommes de très bons amis, nous parlons assez souvent, nous nous rencontrons chaque fois que nous le pouvons et nous faisons presque tout ce qui nous vient à l’esprit.

Je leur donne une liberté absolue et je m’assure qu’ils sont toujours en bonne santé et joyeux, ils prennent le fil de l’histoire et le portent jusqu’à la fin.

Je sens que tous mes personnages positifs m’aiment, qu’ils soient des Templiers, des collègues, des animaux, des objets divers, des lettres ou des personnages totalement fictifs d’autres univers.

Les personnages négatifs, parce que j’ai quelque chose comme ça, je suppose qu’ils ne sont pas très heureux, même si je me trompe peut-être, parce que je n’aime pas les tourmenter, je les laisse faire un peu de folie et je les fais vite sortir de la scène.

Parlez-nous de votre dernier ouvrage et de vos projets.

Aucune description disponible.Parce que vous m’avez posé des questions plus tôt sur les titres, regardez comment s’appelle mon dernier livre: « Une histoire avec des mouches et d’autres histoires vivantes pour les enfants ».

Dès le début, vous vous rendez compte que c’est un livre pour les enfants intelligents, il contient beaucoup de belles histoires couronnées par les dessins inspirés et magnifiques de ma bonne amie des Pays-Bas, Wendy van der Zee.

Oui, c’est mon premier livre « international », pour ainsi dire, et c’était génial comment j’ai commencé à collaborer avec Wendy: j’ai la chance de travailler avec son mari, qui m’a dit, « Adrian, tes histoires avec des animaux sont très cool et ma femme sait bien dessiner. Tu ne veux pas lui envoyer tes histoires, car je suis sûr qu’elle aimerait les illustrer ».

Et c’est ainsi qu’un beau livre est né, et la maison d’édition Junimea de Iași m’a fait le grand honneur et la joie de le publier en juillet 2020.

J’ai consulté mon avenir et il m’a dit que très bientôt, sous les auspices de la même maison d’édition, Junimea, un autre livre sortira dans le monde, livre intitulé « De quoi parlent les pigeons quand ils sont assis sur le fil et se tournent vers les gens ».

C’est, comme j’aime le dire, un volume d’histoires courtes familiales, chaleureuses, drôles, ludiques, avec de belles histoires et paraboles, pleines d’optimisme et de bon humeur.

C’est le troisième livre de la série de « l’Accélérateur de Particules » – mon bébé, dont M. Lucian Vasiliu, le directeur de la maison d’édition, dit qu’il est « un personnage coquin, intelligent, séduisant, continuateur, dans un autre contexte, de l’enfance dans l’esprit des anciens junimistes, Ion Creangă et IL Caragiale ».

Le même avenir m’augurait que si je voulais être bon et me voir écrire au moins aussi passionnément qu’avant, je finirais un roman, un livre de poésie et une autre histoire courte qui, avec l’aide de la distinguée Mme Gabrielle Sava, qui le traduira, je l’espère, sera choisi pour publication par une maison d’édition française.

Il y en aurait d’autres, mais nous laisserons de la place pour la prochaine fois, n’est-ce pas?

Encore une fois, merci beaucoup de m’avoir inclus dans votre collection « Portrait en Lettres Capitales ».

Bonne chance à vous et à vos lecteurs!

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