Portrait en Lettres Capitales : Catherine Velle

 

Qui êtes-vous, où êtes-vous née, où habitez-vous ?

Je suis Terrienne, du signe du Verseau, ascendant Scorpion, née en douce France, dans la ville qui Fluctuat Nec Mergitur. J’ouvris les yeux dans un bocal où les poissons ainés avaient nom Auteur, Conservateur, Chartiste, Comédien, Comédienne, Spéléologue… et Pharmaciens. Lourde et formidable hérédité que je m’étais bien juré de ne pas suivre… mais les chiens ne font pas des chats, paraît-il. Je vis entre Paris et les montagnes des Cévennes, et galope parfois en Camargue.

Vivez-vous du métier d’écrivaine ou, sinon, quel métier exercez-vous ?

Licence de Lettres, début d’une maîtrise sur Agatha Christie abandonnée en route tant l’univers estudiantin me déplaisait, et débuts en même temps de comédienne. J’écris déjà un peu, pour moi. Mais je me lasse des deux emplois qu’on me réserve : les ingénues au théâtre, les petites dévergondées à la télé. Je dois gagner ma vie autrement. On me propose alors un job de vendeuse d’espace, mot qui me fait rêver, et c’est ainsi que je découvre la publicité. Je deviens ensuite directrice de la communication d’un grand groupe de presse féminine, France et International. Je gagne bien ma vie, travaille beaucoup, écris avec passion, et mon premier roman « La vallée des mensonges », paraît chez Flammarion en 2000, suivi par « Le silence des sources » en 2001. Sans ces super jobs, et malgré de premières ventes convenables,  j’aurais eu du mal avec seulement les droits d’auteur. Mais peu à peu la Com dévore tout mon temps, et je finis par négocier mon départ : j’aurai moins de sous, mais plus de liberté. J’en suis là.

Comment est née votre passion pour la littérature et surtout pour l’écriture ?

Entourée de livres, partout, depuis mon plus jeune âge, ça marque forcément.  Petitoune, je vois mon grand-père, André Chamson, écrire sans cesse, parfois sur des bouts de papiers minuscules, quand il quitte son bureau de conservateur. Je vois mes parents écrire, écrire, romans, théâtre, feuilletons, sagas… Puis c’est le pensionnat, où je m’ennuie, et où j’avale tout ce que je peux à la bibliothèque. Je m’amuse à écrire des « à la manière de », beaucoup de lettres d’amour que je n’envoie à personne, je me rêve en héroïne, de tout, pirate, dompteuse, aventurière… et je me bats pour jouer dans les spectacles de fin d’année. J’ai eu un grand succès à 11 ans, dans le rôle de la fée Carabosse. Grand souvenir. Rôle beaucoup plus intéressant que celui de la Belle, si fade. Bref, écriture, émotions et jeu… tout était déjà mêlé.

Quel est l’auteur/le livre qui vous ont marqué le plus dans la vie ?

Pour n’offenser personne tant la liste est longue (bon, il y a Hugo dont j’aime tout même le moins bon, et Apollinaire qui me touche infiniment)… je dirais que c’est peut-être « Le grand Meaulnes », d’Alain Fournier qui a provoqué en moi fourmillements et envies d’écrire, sans doute parce que j’y trouvais tout ce qui me parle, la nature, ses sortilèges et ses mystères, les bouleversements des jeunes années, les rêves, les souvenirs, les émois …  Et puis savoir que c’était LE livre unique me bouleversait.

Quel genre littéraire pratiquez-vous (roman, poésie, essai) ? Passez-vous facilement d’un genre littéraire à un autre ?

Je suis romancière, absolument. D’ailleurs, un vieux paysan cévenol qui me vantait le grand auteur et historien qu’était mon grand-père… ajoutait en me regardant avec peine et consternation: « vous, vous ne faites qu’inventer des histoires. »  Oui, Monsieur. Et j’adore ça.

Comment écrivez-vous – d’un trait, avec des reprises, à la première personne, à la troisième ?

Tout y passe, du travail régulier à la procrastination, j’apprends à ne rien m’interdire. Je me relis énormément, parfois même à voix haute, réflexe de comédienne, pour à la fois trouver la musique exacte, et retrouver le ton quand je reprends après quelque temps. Jusqu’à présent, tout a été à la troisième personne, à tous les temps utiles et nécessaires au récit, j‘aime bien les ruptures de rythme… mais là, en ce moment, pour la première fois, j’écris « je » et je suis un homme qui va bientôt devenir papa… ne me demandez pas pourquoi…. !

D’où puisez-vous les sujets de vos livres, et combien de temps est nécessaire pour qu’il prenne vie comme œuvre de fiction ?

Choses lues, vues, traversées ? Sans doute. Mais je pense que tous ces sujets sont déjà en moi, confus, cachés, mais bien présents. Et qu’il faut savoir accoucher de soi, de ses rêves, de ses peurs, ses psychoses, et de son côté sombre aussi. Je pense qu’il faut parfois laisser les alluvions de la vie se poser sur nous, et qu’il y a des livres qu’il ne faut pas écrire trop tôt. Je ne fais pas la course, ne cherche pas à occuper les rayonnages à tout prix. Ne veux écrire, paraître, que lorsque j’ai vraiment quelque chose à dire, à raconte, partager. Par contre, quand un livre sort, je donne tout, participe à tout, veux tout, et je l’accompagne avec force et passion. Et la rencontre, enfin, avec les lecteurs est une formidable récompense. J’ai aussi appris que ce n’est pas se mettre systématiquement devant son écran ou sa feuille de papier qui fait avancer, nous ne sommes pas des copistes, mais que la rêverie peut parfois se montrer généreuse, et qu’on travaille toujours même quand on n’en a pas l’air. Même quand on s’en inquiète. Un travail souterrain est à l’œuvre. Mystérieux, et parfois miraculeux.

Choisissez-vous d’abord le titre de l’ouvrage avant le développement narratif ? Quel rôle joue pour vous le titre de votre œuvre ?

Cela dépend. Et parfois c’est la maison d’édition qui bouscule nos envies premières.  Par contre, oui,  j’ai toute une liste de titres, cela m’amuse, je les relis parfois, ils m’inspirent. Et je pense alors au mot de Romain Gary à Philippe Labro : « écris des titres, des douzaines et des douzaines de titres. Et garde-les dans un tiroir, pour plus tard. Derrière un titre il y a toujours quelque chose, une idée, un instinct, une intuition, une intention..  »

Quel rapport entretenez-vous avec vos personnages et comment les inventez-vous ?  

Il y a les personnages principaux, qui viennent assez vite, puis les autres, plus ou moins prévus ou construits dans le récit. Et puis il y a les personnages en quête d’auteur. Certains de ceux-là peuvent parfois nous entraîner dans des directions sans fond, attention, mais d’autres, par contre, sont des rencontres époustouflantes, incroyables, venus d’eux-mêmes, car se sentant, à juste titre, indispensables à l’histoire. Ce sont des moments rares, merveilleux, émouvants mêmes… et je pense qu’on touche là à quelque chose de sacré et de mystérieux. Joie toujours.

Parlez-nous de votre dernier ouvrage et de vos projets.

Mon dernier roman paru « Un pas dans les nuages » a reçu le Prix du Cabri d’Or de l’Académie d’Alès, et est en cours d’adaptation pour la télévision… si Covid le permet. J’attends des retours de lecture de mon No 6, « Appuie-toi sur moi », et quand on change de maison d’édition, c’est un peu comme si on repartait de zéro, et donc toujours un peu inquiétant : saura-t-on me lire, comprendre .. ?  peut-être que je ne plairai pas… plus ? Et certains retours sont raides, confus, brutaux, à la limite du correct.  Il faut le savoir. J’ai commencé « Quelque chose derrière les arbres » en début d’année…  et même s’il est trop tôt pour en parler vraiment, je remarque que j’y retrouve beaucoup des thèmes de mes « Sources » (premier écrit, deuxième publié). Est-ce à dire que tout est déjà inscrit dans le premier livre ? En tout cas, permanence chez moi de la magie de la nature, de l’inquiétude sourde, des animaux, des richesses et complications des relations humaines, des voyages et des dangers … normal, finalement,  pour une fille qui, à 9 ans, voulait être exploratrice !

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